Prévenir les risques naturels, préserver l’accès à l’eau potable, tout en favorisant la biodiversité… Tels sont les objectifs des Solutions fondées sur la nature (SFN) qui souffrent encore de défiance et de méconnaissance, constate Freddy Rey, directeur de recherche à l’Inrae (*), à Grenoble, et élu régional.
Il s’agit de projets qui vont utiliser la nature pour apporter deux types de bénéfices : un pour le vivant ; l’autre, pour la société. Parmi les gains sociétaux possibles, figurent la prévention des risques naturels, l’approvisionnement en eau potable, la sécurité alimentaire et le développement socio-économique.
Oui, la lutte contre le changement climatique et notre adaptation à celui-ci est une sorte de fil rouge derrière le concept de Solutions fondées sur la nature. On compte une liste de huit critères que doivent remplir les projets pour se prévaloir d’être des SFN, afin d’aider les collectivités à bien les cerner. La lutte contre le changement climatique y apparaît systématiquement, avec, notamment, le principe de la séquestration du carbone.
Quelque part, ce concept récent décrit des projets que l’on menait déjà depuis très longtemps sous d’autres termes, comme le génie écologique
On se sert en particulier des SFN pour la prévention des risques naturels liés à l’eau, comme les inondations et la sécheresse. On compte tout un ensemble de programmes qui visent à restaurer le lit des rivières pour leur redonner un fonctionnement plus naturel. À partir d’une rivière devenue droite, on recrée des méandres, qui permettront de ralentir l’eau et contribueront ainsi à diminuer l’impact de l’inondation en aval. Autre exemple : lorsqu’on reconstitue des zones humides, on génère de l’habitat pour la faune et la flore. De plus, en la connectant à un cours d’eau, on va permettre, lors de crues, qu’il s’y décharge, ce qui réduira aussi l’impact de l’inondation en aval. Et comme l’eau stagne dans cette zone humide, on favorise les échanges avec le sous-sol et on recharge les nappes (un projet de ce type est en cours sur le bassin-versant du Néal, en Ille-et-Vilaine, dans le cadre du programme Artisan, NDLR).
Ce concept est assez nouveau puisqu’il est apparu il y a une dizaine d’années, porté par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Mais, quelque part, il décrit des projets que l’on menait déjà depuis très longtemps sous d’autres termes, comme le « génie écologique », une ingénierie qui fait appel à des méthodes et des outils par et pour le vivant. Il est donc compliqué de dire en quelles proportions des projets SFN ont pu être mis en place, puisque beaucoup de collectivités ont pu en réaliser, sans ce tampon de Solutions fondées sur la nature.
Plutôt que de créer une digue en béton, on peut en bâtir une avec des enrochements et entre les blocs de pierre, on peut placer de la terre et de la végétation
Une certaine confiance dans les SFN est nécessaire. Si on prend l’exemple des digues, l’enjeu est de protéger des biens et des personnes contre des inondations. Et donc, on pense à des ouvrages très rigides qui tiendront face à la puissance des crues. Instinctivement, on va donc construire une digue en béton. Une digue construite uniquement avec du végétal peut-elle offrir la même protection ? La réponse est non. Mais on peut tout à fait envisager une solution mixte, où il s’agit de bien positionner le curseur, par rapport à l’objectif visé. Ainsi, plutôt que de créer une digue en béton, on peut en bâtir une avec des enrochements. Et entre les blocs de pierre, on peut placer de la terre et de la végétation. On va donc pouvoir disposer d’une digue solide sur laquelle faire reposer une trame verte.
On y enseigne depuis longtemps les techniques de génie écologique et de génie végétal. Elles ont d’ailleurs connu un essor très important au cours de ces quinze à vingt dernières années. Beaucoup de réseaux se sont constitués, comme l’Union professionnelle du génie écologique, pour proposer de la formation et de l’enseignement. Aujourd’hui, on bénéficie de personnes formées à ces approches qui sont les meilleurs outils pour créer des projets SFN.
Le savoir-faire, on l’a. Après, pour que les SFN puissent vraiment se développer et exploser, il faut répondre à cette question du manque de confiance ou de connaissances, par la sensibilisation et l’information. Dans mes propres recherches, on fait en sorte de mettre en avant tout l’intérêt des SFN et de leur efficacité, de manière à convaincre les entreprises pour qu’elles s’en emparent. Mais toute une chaîne d’acteurs est concernée : il est nécessaire que les décideurs, les élus, aient connaissance de ce type de solutions et sollicitent des bureaux d’études afin que ceux-ci les proposent. Ils feront alors appel à des entreprises de travaux qui vont pouvoir les mettre en œuvre.
On est en train de mener des projets de recherches pour évaluer cela, en lien avec les Agences de l’eau. Je dirais que le concept SFN apparaît de plus en plus mais souffre encore de méconnaissance. Ou alors des élus se disent : « Voilà encore un terme pour décrire des choses qu’on fait déjà, on ne va pas perdre de temps à savoir si ce sont vraiment des SFN ». On constate néanmoins une forme d’engouement et de mise en application par nos décideurs publics, jusqu’à l’écriture de projets de loi, qui donnent le sentiment que l’on va passer un cap. Dans le Plan Eau présenté par le président de la République récemment, figurent 53 mesures. Les SFN apparaissent dans trois d’entre elles, en particulier par le biais de projets de collectivités. Maintenant il faut mettre le paquet pour que celles-ci se les approprient vraiment.
* Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement