L’érable est l’un des arbres préférés du longicorne asiatique, un insecte exotique envahissant déjà présent en Ohio, au Massachusetts et dans l’État de New York. Une catastrophe écologique et économique est peut-être inévitable au Québec et il faut augmenter la diversité des espèces d’arbres pour aider à la prévenir, selon le spécialiste en écologie forestière Christian Messier.
Le réchauffement du climat en Amérique du Nord fera à coup sûr migrer des espèces envahissantes et des maladies dans les forêts québécoises et canadiennes, selon le professeur de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et de l’Université du Québec en Outaouais (UQO). Tout comme pour l’agrile du frêne, qui décime les frênes du continent actuellement, il sera extrêmement difficile de limiter la propagation du longicorne asiatique au pays.
À la différence de son cousin nord-américain, le longicorne noir de l’épinette, qui s’attaque aux arbres morts, le longicorne asiatique prend pour cibles les arbres en bonne santé. On ne lui connaît aucun prédateur ni insecticide efficace. L’Ontario a réussi il y a quelques années à éradiquer une infestation limitée de cette espèce dans la région de Toronto en coupant toutes les forêts infestées.
« Il faut augmenter la diversité des espèces, s’assurer qu’on a une diversité que j’appelle "intelligente" », explique Christian Messier, lui-même propriétaire d’une érablière en Outaouais. « On veut avoir des espèces qui ont des fonctions et des tolérances à différents types de maladies. »
De 30 à 40 % des arbres dans le sud du Québec sont des érables. Dans certaines érablières, plus de 90 % de ces arbres composent la forêt. Il y a 65 espèces d’arbres dans la province, mais seulement 15 dans les forêts boréales.
« Tous les 10 ans, il y a un insecte qui arrive et qui détruit une espèce, ajoute Christian Messier. Si tous les 10 ans on perd une espèce, éventuellement, on va en manquer. »
La Chaire de recherche du Canada sur la résilience des forêts face aux changements globaux, qu’il a fondée il y a un an, tente justement de soulever ces questions et de promouvoir une plus grande résilience forestière, c’est-à-dire une plus grande diversité d’espèces dans les forêts.
« On est en train de modéliser ce qui se passerait si cet insecte arrivait et détruisait tous les érables et ce qu’on devrait faire maintenant pour s’assurer que, même si l’on perd nos érables, on va continuer à avoir une forêt. »
L’agrile du frêne devrait bientôt avoir décimé près de 99,9 % des frênes du pays, selon le professeur. Une situation similaire risque de se produire avec l’érable et le longicorne asiatique, ou d’autres maladies ou insectes qui voyagent avec le transport international par cargo.
Si l’on n’est pas préparé à une telle éventualité, non seulement l’économie qui y est associée sera détruite, mais une grande partie de nos forêts aussi.
« Assurons-nous d’avoir une diversité d’espèces qui va permettre à cette forêt de se régénérer », conclut-il.