Le libre arbitre et l’inaptitude à consentir, une conciliation possible?
Dans le domaine de la santé, comme vous le savez peut-être, la primauté de la personne est mise de l’avant tant par les lois que par de grands principes retrouvés dans les plans d’actions ministérielles. De ce fait, l’autonomie et le libre arbitre sont généralement considérés comme essentiels. C’est en tenant compte de ces grands principes que certaines mesures légales ont été mises en place afin de permettre à des usagers de faire valoir cette autonomie et ce libre arbitre, même lorsque celle-ci est devenue inapte à consentir aux soins (dans certaines conditions cliniques spécifiques).
Nous parlons ici des directives médicales anticipées. Cette mesure est prévue par la loi concernant les soins de fin de vie et permet aux personnes de faire valoir leur choix et préférence en termes de traitement de fin de vies en remplissant un formulaire légal à un moment où ceux-ci sont considérés aptes à consentir en prévision d’une situation où ce ne serait plus le cas.
Si cette mesure existe et est valorisée dans certains contextes, ne serait-il pas pensable que de telles mesures soient considérées dans le domaine des soins psychiatriques? Par exemple, pour une personne ayant une problématique en santé mentale et souhaitant faire valoir son autonomie et son libre arbitre qu’en à ses traitements en prévision d’un épisode de crise ou sa capacité à consentir serait remise en doute?
Eh bien, il se trouve qu’à certains endroits dans le monde cette mesure existe! Il s’agit de directives psychiatriques autorisées. Ce document comporte généralement les préférences en termes de structures d’accompagnement, de traitements, les signes avant-coureurs d’une crise, les stratégies de la personne pour prendre soin de sa santé mentale.
Au Québec, la seule disposition pouvant se rapprocher de cela pour les personnes recevant des services psychiatriques est le plan de traitement. Malheureusement, celui-ci est nettement moins intéressant pour le patient. Ces documents peuvent, en théorie, permettre à l’usager de mettre de l’avant des considérations similaires, mais il n’a aucune portée légale, contraignant l’équipe soignante à le respecter. De plus, ces plans de traitement doivent être acceptés de manière conjointe, tant par le patient que l’équipe soignante. Cela a pour effet que ces plans de traitements sont, la plupart du temps, un plan construit par l’équipe soignante, puis simplement approuvé par le patient. À l’inverse, les DPA peuvent être décidés et remplis de manière complètement autonome, sans influences de l’équipe médicale. Une fois approuvées par le système judiciaire, celles-ci comportent une portée légale à laquelle l’équipe soignante doit se plier dans la mesure de ce qui est jugé raisonnable et possible selon la justice.
Quelles retombées concrètes des directives psychiatriques anticipées?
Plusieurs études ont été menées jusqu’à maintenant sur les impacts des DPA et les résultats sont probants! Un des impacts les plus notables, démontré par les méta-analyses, est une diminution des hospitalisations forcées d’environ 25% pour les personnes utilisant ces outils (comparativement aux usagers n’en ayant pas fait usage). Ce fait en lui-même est déjà notable, mais ce n’est pas tout! Certaines études ont également permis de récolter plusieurs autres qualités nommées par les personnes en ayant fait usage. On y retrouve, entre autres, mais pas exclusivement : une meilleure connaissance de soi, meilleure gestion des crises, plus grande continuité dans les soins, meilleure anticipation des rechutes, amélioration de l’alliance thérapeutique et un plus grand sentiment d’autonomie.
Ce que nous devons en retenir? Des alternatives aux soins psychiatriques coercitifs, ça existe, il suffit d’avoir la volonté politique de les mettre de l’avant!
Effect of Psychiatric Advance Directives Facilitated by Peer Workers on Compulsory Admission Among People With Mental Illness: A Randomized Clinical Trial | Psychiatry and Behavioral Health | JAMA Psychiatry | JAMA Network
L’impact des directives anticipées en psychiatrie - Centre ressource réhabilitation (centre-ressource-rehabilitation.org)
DIRECTIVES ANTICIPÉES PSYCHIATRIQUES FACILITÉES PAR LES PAIRS- AIDANTS: ENJEUX ET PERSPECTIVES
Aurélie Tinland Pratiques – conferences midi - Forensia 24 Janvier 2023