Exploitation des ressources naturelles, moyens de subsistance de communautés locales et préservation de la biodiversité : rôle de l’étude d’impact environnemental en RDC

 

Le réseau des correspondants du SIFÉE est de retour ! Dans le cadre de sa mission de développement et de promotion de l’expertise francophone en évaluation environnementale, le SIFÉE donne la parole, au sein de son réseau, à des personnes ressources qui souhaitent agir à titre de correspondants dans les différentes régions de la Francophonie. Nous partagerons avec vous les productions exclusives de l'équipe.

Aujourd'hui, c'est au tour de Pierre Panda de nous parler du rôle des études d'impact environnemental en RDC.

 

Située au centre de l’Afrique, la République démocratique du Congo regorge d’une riche biodiversité et d’abondantes ressources naturelles, qui malheureusement ne profitent moins à sa population. Avec une superficie forestière de 155.000.000 hectares, la RDC détient 50 % du massif forestier africain ; le pays constitue également le deuxième réservoir mondial d’eau douce après le Brésil (PNEFEB, 2011).

Conscient du potentiel que représentent ses forêts pour l’équilibre mondial du climat, le pays a adopté un ensemble de réformes environnementales. De nos jours, l’évaluation environnementale et sociale fait l’objet d’une attention politique sans précédent tant aux niveaux national et international. Elle représente indéniablement l’un des instruments utiles pour s’assurer que les investissements industriels, miniers, agricoles, forestiers envisagés ou en cours ne seraient pas préjudiciables aux écosystèmes, aux systèmes socioculturels et aux moyens de subsistance de communautés locales.

La RDC est régulièrement confrontée aux nombreuses controverses environnementales (conservation de la nature vs industrialisation). À titre illustratif, le code minier en vigueur édicte la suprématie des intérêts miniers sur les forêts. Dans ces conditions, il a été reporté des spéculations d’exploration pétrolière au sein du Parc National de Virunga alors que celui-ci est classé patrimoine mondial de l’humanité. De plus, le pays a aussi ratifié de nombreux traités internationaux et ne cesse de réaffirmer ses engagements en faveur de la conservation durable de la biodiversité.

Il y a également la question du processus de conversion de forêts naturelles en aires protégées, qui résulte souvent en expulsions injustes des populations locales, particulièrement de peuples indigènes (pygmées) de leurs forêts alors qu’elles ont constitué leurs habitats naturels et les sources de leurs moyens de subsistance. D’autres grands projets d’infrastructures relatifs à l’industrialisation, aux centrales hydroélectriques (Grand Inga) et/ou d’exploitation de grands blocs pétroliers ou gaziers, comme l’envisagent déjà les autorités publiques, sont susceptibles d’affecter de manière préjudiciable les établissements humains, les sites forestiers, les terres et les moyens de subsistance de communautés locales.

Pourtant, la RDC dispose de nombreuses lois qui se veulent sensibles à la préservation de l’environnement. À ce sujet, le code forestier en vigueur insiste sur la nécessité d’une meilleure protection de la forêt et met un accent fort sur le rôle du secteur forestier dans le développement socioéconomique du pays. L’article 53 dispose que tout déboisement en vue d’une activité minière, industrielle ou agricole doit faire l’objet d’un permis de déboisement fondé sur une étude d’impact environnemental. Il n’est cependant pas clairement défini dans quelle mesure le plan d’aménagement forestier devra inclure les impératifs environnementaux en son sein et/ou répondre aux éventuels effets environnementaux néfastes au sein des communautés locales. De plus, il n’est pas fait mention des exigences de la gestion des effets environnementaux des industries forestières dans les communautés locales. Par contre, cette loi établit des sanctions en cas d’exploitation illégale du bois, de destruction d’un écosystème forestier, de prélèvement de produits dans les forêts classées, protégées, de surexploitation, des incendies et feux de forêts. Pareillement, l’article 407 du règlement minier oblige le requérant du permis d’exploitation minière à présenter au préalable une étude d’impact environnemental du projet.

S’agissant du PNEFEB (Programme National Environnement, Eaux, Forêts et Biodiversité), UN SEUL des six axes stratégiques dans sa composante “environnement” intègre une sous-composante portant sur la gestion des impacts environnementaux et sociaux. Et pourtant l’évaluation environnementale doit devenir une démarche transversale à tous points de vue ! Un des signes encourageants est que le PNEFEB s’est doté pour vision de minimiser ou réduire les impacts environnementaux et sociaux résultant de la réalisation d’un quelconque programme.

Quoi qu’il en soit, la mise en œuvre des interventions environnementales en RDC dépend largement des financements extérieurs et demeure confrontée aux nombreux défis institutionnels, de gouvernance et au contexte sociopolitique instable qui caractérise le pays. Si la RDC a mis en place une institution publique dédiée à l’évaluation d’impact environnemental, elle est cependant confrontée à l’insuffisance de moyens financiers et techniques dans l’exercice de ses interventions.

Or, l’étude d’impact environnemental représente un précieux outil d’aide à la décision par l’analyse des effets environnementaux en vue de proposer les solutions de rechange (éviter, atténuer ou compenser). L’analyse des trois textes réglementaires précédemment cités fait ressortir les constats suivants :

  • Les dispositions des législations nationales concernant les risques écologiques, les procédures et le plan sur l’évaluation d’impact environnemental ne sont pas suffisamment connues du grand public ;

  • Il y a insuffisance des réglementations sectorielles rigoureuses relatives à l’évaluation d’impact environnemental ;

  • L’intégration transversale de l’évaluation d’impact environnemental reste insuffisante, il est impérieux d’assurer l’intégration effective de cet outil dans les différents secteurs d’activités du pays.

Somme toute, pour assurer une prise en compte globale de l’évaluation d’impact environnemental, il est vital de garantir l’application effective des législations et réglementations sur l’évaluation d’impact environnemental et d’en faire une large diffusion auprès du grand public. Cela contribuera à réconcilier les intérêts économiques, miniers, industriels, forestiers, agricoles avec les impératifs de préservation de l’environnement, des établissements humains et de moyens de subsistance de communautés locales !

L'AUTEUR

 

 

 

Pierre Panda

Directeur, Conseil pour l’innovation et le développement (CIDEV) RDC

afriquecidev@gmail.com