Par manque d'éducation
par Stéphy Belzile
Il y a longtemps je l’ai vue, je l'ai aperçue.
À l'enfance j’étais trans.
Oui j’avais cette différence, qui ne faisait pas de sens.
Quand ils me dénigraient, je me défendais, je me déformais.
Pour leur faire voir, juste pour leur faire croire, que j’étais le fruit de leurs standards.
Invraisemblable que c'était, moi je ne voulais que la paix.
Par manque d’éducation, je n’aurais jamais fait le bond.
Pendant une trentaine d’années, je me suis modifiée.
Pour tenter de survivre, je me suis mise ivre.
Car dans ma culture, tout ceci était impur.
Dans ma religion, oh non ce n'était pas bon.
Dans ma génération, ce n'était même pas une option.
Invraisemblable que c'était, moi je ne voulais que la paix.
Par manque d’éducation, je n’aurais jamais fait le bond.
Alors c'est d’arrache-pied que j’ai dû travailler.
J’ai tout essayé, pour jouer le rôle qu’on m'a donné.
Oui on a créé, oui j’ai vraiment aimé.
C'était bien la vérité, qui m'a mené à la parentalité.
Mais non je ne comprenais pas, non je n'acceptais pas.
N'importe qui, mais pas moi, je ne pouvais pas être comme ça.
Impensable que c'était, moi je ne voulais que la paix.
Par manque d’éducation, je n’aurais jamais fait le bond.
J’ai dû trahir, j’ai dû mentir, pour me cacher j’ai dû jouer.
Je me suis sali, je me suis blessée, j’avais trop honte pour m’affirmer.
C'était tabou, c'était mal vu, être comme ça, je ne voulais pas.
Plus jamais on ne m'aimera. C'était tapette ou c’était fif,
être une pédale, c’était fatal.
Invraisemblable que c’était, moi je ne voulais que la paix.
Par manque d’éducation, je n’aurais jamais fait le bond.
J’avais trop peur de décevoir, j’appréhendais tous vos regards.
Jusqu’à très tard le soir, c'est le repos qui se faisait rare.
Choix de vie, je n’y crois pas, moi j’ai choisi de vivre.
J’ai plongé dans cette déchéance, juste parce que j’étais trans,
et par manque d’éducation je n’aurais jamais fait le bond.
Aujourd’hui tout a changé, je me suis acceptée.
J’ai combattu plein de démons,
Plein de dragons cracheurs de feu, cachés dans tous les lieux.
J’ai pardonné toutes ces frayeurs, chez ma petite moi intérieur.
Toutes ces années à me tuer, tous ces malheurs qui ont régné.
Maintenant, je peux célébrer ma transidentité.
C’est l’épopée de la liberté, c’est l’avènement de ma fierté.