Voici l'expérience que Denys Cloutier a bien voulu partager avec nous:
Nous sommes le samedi 5 septembre 2015.
Il faut un temps radieux, et une chaleur digne des plus belles journées d’été.
Je décide d’aller au RVA de Casey, 184 NM de l’aéroport de Charlevoix CYML.
En préparation pour le vol, j’ajoute 50 litres de mogaz. Mon réservoir peut contenir 100 litres et affiche 45%. J’ai donc 90 @ 95 litres, pour un vol aller de 1h50.
Le vol se déroule bien. À Casey, il y a près d’une centaine d’appareils.
Belles rencontres amicales.
À 13h, je me prépare pour le retour. La gang d’aviateurs de Charlevoix faisons chaque année une rencontre à la piste privée de Clermont, blé d’inde et hot-dog au menu. Rendez-vous pour 17h.
Mon indicateur de niveau d’essence affiche 50%, ce qui correspond à une consommation à l’aller de +- 40 litres, ce qui est normal, étant donné qu’au départ, le temps de réchauffer le moteur, attente pour laisser partir un appareil et laisser atterrir un autre aura consommé du carburant.
Je décolle donc pour un retour vers La Malbaie.
Je vole au-dessus des Hautes-Gorges de rivière Malbaie, lorsque je vois l’aiguille du niveau d’essence descendre à un rythme anormal. Je commence à m’inquiéter et soupçonne peut-être une fuite d’essence pour justifier ce comportement.
Je suis à 4500 pi. Il me reste 15 NM pour atteindre la piste. À 5NM je m’annonce sur l’Unicom, qui me confirme qu’il n’y a aucun trafic annoncé. J’annonce que j’entame une lente descente pour arriver directement en finale. Je suis à 3500 pi, à 2 Nm de la piste. Je viens de passer à la verticale de la route 138, lorsque le moteur s’arrête. Immédiatement je mets la pompe électrique en marche. Le moteur redémarre, mais s’arrête de nouveau au bout de quelques secondes. Panne sèche.
Je suis trop bas pour atteindre la piste (altitude 970pi), d’autant plus qu’il y a des lignes à haute tension dHydro pas loin devant.
Tout autour, c’est la forêt. Ma seule option, c’est la route 138.
J’entreprends un virage à 180” pour rejoindre la route derrière moi.
Je surveille mon angle de descente et ma vitesse pour ne pas me mettre en situation de décrochage.
C’est le samedi de la fête du Travail. Le trafic est important.
Heureusement à cet endroit de la 138, la route de divise à 3 voies. Il y a un espacement entre 2 groupes d’automobiles. Je survole le premier groupe, un œil sur ma vitesse, passe à environ 2 pi au-dessus de la voiture de tête, met 15 degrés de volets, et touche en douceur.
Mais là, je suis sur la partie en descente de la route, et il y a un pickup dans la voie de gauche. Il est arrêté, mais je suis incapable de freiner suffisamment, et je crains de le frapper avec mon aile gauche. Je donne un coup de palonnier gauche, et frappe la chaîne de rue. Le train droit cède sous l’impact, l’avion pivote et l’aile gauche frappe un petit sapin en bordure de route. L’avion s’immobilise. Je ne suis pas blessé, je n’ai blessé personne et pas crée de dommages à autrui.
Trafic immobilisé, polices, ambulances, voitures de pompiers, des dizaines de spectateurs avec leurs cellulaires en mode vidéo. Je suis un peu honteux.
Mon cellulaire sonne: c’est Trenton qui appelle suite au déclenchement de mon ELT 406. Puis c’est au tour du BST de s’enquérir de ma version, demandent à un policier sa version, demandent une photo des dommages avant d’autoriser le déplacement de l’avion.
J’ai des dommages importants, mais l’avion est récupérable. La cellule en fibre de carbone est cassée à trois endroits. L’aile gauche a une entaille au bord d’attaque. Le train principal en fibre de carbone aussi est scrap.
Aviation R. Goulet de Bromont se charge des réparations.
L’avion est remis en vol en juillet 2017.
Le réservoir toujours vide, je décide de vérifier l’exactitude de mon indicateur d’essence. Je fais une marque à chaque 20 litres, pour réaliser qu’à 50%, il n’y a que 37 litres d’essence, et non pas 50.
Voilà pourquoi je suis tombé en panne sèche.
La sonde a depuis été retirée et recalibrée, mais la méfiance est toujours là, et j’ajoute de l’essence après chaque vol, et remplit au bouchon pour un vol voyage. Mon réservoir d’essence est derrière les sièges, et il est impossible de vérifier avec une baguette.
Je réalise aujourd’hui que j’ai pigé pas mal dans mon sac à chance, et que sans doute mon heure n’était pas venue. Cet incident a fait de moi un pilote ultra prudent.
J’espère que je n’ai pas vidé mon sac, car personne n’est à l’abri d’un pépin inattendu.
Denys Cloutier, Sky Cruiser C-IHVW
Nous vous invitons à faire comme Florent Gagné et partager avec nous cet instant que vous avez vécu où vous avez pigé dans votre sac de chances ? Comment vous êtes-vous retrouvé dans cette situation ? Comment vous en êtes-vous sorti ? Quelles sont les leçons que vous avez retenues ?
Écrivez-nous votre expérience via courriel securite@aviateurs.quebec.
Photo : page Facebook Denys Cloutier