LES BEAUX DÉTOURS         INFOLETTRE        AOÛT  2021   

Bonjour à vous!

Commencé en avril, ce message, long à germer, prend sa forme définitive au beau milieu de notre été. Je souhaite qu’il vous procure d’agréables moments. Accordez-vous le loisir de lire, à petites doses, des lieux qui se racontent et font rêver… Cet envoi coïncide avec l’entrée en fonction du nouveau site des beaux détours : www.lesbeauxdetours.com.

Enfin, après l’hiver de nos confinements, il est possible de retrouver les forces vives de la nature, ce qui justifie tout à fait le thème que j’ai choisi. Il y a quelque temps, La Semaine verte de la télévision de Radio-Canada, intitulait une émission les « Jardiniers du paysage ». Ce titre, plein de sagesse, orientait la pensée vers la mise en valeur de cette formidable richesse. La beauté inscrite à même la nature mérite bien l’attention qu’aujourd’hui je vous propose de lui donner!

Est-il nécessaire d’avoir la connaissance pointue des horticulteurs pour s’attendrir de l’éclosion d’une fleur? Comme pour la rose de Saint-Exupéry, c’est l’accueil qui se fait doux et responsable. Ainsi, pour un peu de fraîcheur et de vie fragile, les plantes aux jardins frémissent. Il faut savoir les protéger.

De les raconter ici vise à prolonger un peu leur présence, à confirmer leur vivacité. Elles sont parfois sauvages, parfois civilisées et toujours elles s’inscrivent dans le cours des saisons. À l’occasion, nos beaux détours se sont pliés à pareille alternance et ont apprécié floraisons hâtives autant que merveilles de fin d’été.

Bien sûr, il faut aussi penser que dans les jardins des beaux détours, la culture, pour botanique qu’elle puisse être, ne se limite pas à la terre. La fleur devient souvent tableau, ou dans des aménagements paysagers, fait alliance avec la sculpture. De tous les jardins qu’il nous a été donné de visiter, il en est de vraiment remarquables. Pris au hasard de nos saisons, ce sont des lieux qui parlent.

On peut quand même se demander si ces lieux ont leur propre mémoire. Se rappellent-ils de ce qui s’est passé, de ce qui a été vécu, là où nous allons? Outre les lieux officiels de commémoration, les lieux fréquentés par les beaux détours existent-ils sans notre venue, sans notre présence, voire même sans notre souvenir? Ont-ils leur permanence?

J’aime assez l’intervention de l’architecte qui réfléchit au « poids du lieu, l’empreinte à la fois de l’homme sur le lieu et du lieu sur l’homme… » Car comme les œuvres d’art, le lieu se trouve dépendant du contact avec l’autre, le voyageur, celui qui agirait sur sa géographie, son sens et sa profondeur. Le poète philosophe Yves Bonnefoy dirait que chaque lieu propose son énigme.

LA  LUMIÈRE DES IMPRESSIONNISTES

Notre premier beau détour européen, en avril 1998, ne portait pas expressément sur les jardins. Le thème que nous avions choisi mettait plutôt en évidence le travail des artistes impressionnistes. Notre périple conduisait dans des sites aux noms évocateurs : Honfleur, Auvers-sur-Oise, Cagnes-sur-Mer, Aix-en-Provence, la montagne Sainte-Victoire… En proposant la maison, l’atelier, l’étang et le jardin de CLAUDE MONET, la visite de Giverny s’inscrivait donc en suite logique du parcours que nous faisions dans l’univers esthétique de ces artistes.

La peinture de Monet est connue comme l’est aussi le mythique village de Normandie, Giverny, où il a passé la dernière partie de sa vie. En faisant sienne la démarche impressionniste, Monet cherchait à peindre non pas ce qu’il savait des choses mais ce qu’il voyait. Librement, dans une mise en scène souvent tronquée, il n’hésitait pas à choisir des couleurs en apparence arbitraires, puisqu’assujetties au seul passage de la lumière.

Encore de nos jours, l’impressionnisme semble, dans sa course au petit moment, un art de pure spontanéité, mais il n’en est pas moins un travail d’observation et de réflexion.

Le fait de juxtaposer sur la toile d’innombrables touches de couleurs différentes et de les orienter dans tous les sens crée cette vibration si caractéristique, cette « palpitation lumineuse » qui oblige le regard spectateur à un exercice de synthèse.

L’art impressionniste ne se livre pas platement, il a des exigences de contact avec celui qui regarde. Devant le tableau, c’est l’œil spectateur qui doit recomposer l’image.

     Le bassin aux nymphéas  de Claude Monet

« L’art est une harmonie parallèle à la nature » disait Cézanne. Plus que tout, après les tableaux d’histoire et les portraits, les peintres impressionnistes, en apprivoisant le plein air, ont adopté le paysage. S’il est vrai qu’à la fin du XIXe siècle la France s’industrialise, on observe, en contrepartie, un véritable engouement pour les jardins.

Celui de Monet n’est ni potager ni verger, il se marie à l’eau du bassin, près de sa maison et s’enrichit d’un petit pont qui semble tout droit sorti d’une estampe japonaise. C’est un jardin d’eau surtout conçu pour le bonheur des yeux et le vaste éventail de motifs à peindre.

Du modeste jardin normand initial, Monet en fait une grande explosion de couleurs. Car, pour lui, la fleur n’est pas vraiment l’objectif : elle est prétexte à couleurs, prétexte à peinture. C’est ainsi qu’apparaît le jardin de Monet.

Inscrit dans l’équilibre des saisons, il répond à une structure préétablie. Les plantes qu’on y sème devront offrir, au moment de leur floraison, un tableau chaque fois harmonieux. Ce jardin devient lui-même paysage. Imaginé ainsi, oui, « l’art est une harmonie parallèle à la nature ». 

      Du jardin ou du tableau, lequel des deux offre le plus grand plaisir?

Celui de l’effort consenti à travailler la terre? À stimuler la croissance de jeunes pousses, en faisant littéralement œuvre de vie? Le printemps est propice à ce genre d’exploit. Chaque petit moment fait passer de la terre à la fleur. Avec la plante, on cultive aussi l’espoir. Il est donc justifié d’anticiper la floraison pour vivre cet élan de pure jouissance esthétique, qu’elle soit visuelle, olfactive ou émotive.

« Pour faire un jardin, il faut un morceau de terre et l’éternité », écrivait l’agronome Gilles Clément.  Le temps aurait donc beaucoup à y voir. Pour faire une œuvre d’art aussi, il faut du temps. La création d’un tableau fait basculer le réel dans une autre dimension. L’artiste, absorbé par son œuvre, ne remarque pas toujours les écarts qui se creusent entre ce qu’il crée et ce qui l’entoure. Son travail l’amène ailleurs. Le plaisir qu’il éprouve ressemble peut-être davantage à un état de grâce, une force intérieure qu’à une joie simple. Car il est souvent l’aboutissement d’un long et laborieux cheminement. L’œuvre finie, le tableau est un peu comme la plante épanouie du jardinier.

Mais il est un autre plaisir aussi gratuit qu’immensément libre. C’est celui qui, par l’émotion ressentie, fait passer du créateur au spectateur. Ainsi, chaque fois que nous entrons en contact avec l’œuvre de la nature ou avec une œuvre d’art, il est possible qu’un nouveau bonheur surgisse. La beauté entraîne ce genre d’émerveillement.

À l’occasion de beaux détours portant sur les arts, l’histoire et la musique, chaque fois que la situation le permettait, nous avons favorisé la visite d’espaces de verdure pour la connaissance bien sûr, mais aussi pour l’éblouissement, un peu de fraîcheur et toutes ces surprises que la nature réserve.

Il faut quand même convenir que la route est longue pour arriver à l’été des floraisons…

AU BONHEUR DES PLANTES

Ceux qui s’occupent de la terre ont en eux cette incroyable patience, une humilité qui s’associe très souvent à une grande ferveur. C’est comme si la nature elle-même était source d’élan. On retrouve cette énergie chez les scientifiques qui ont aussi à cœur de transmettre leur passion.

Le FRÈRE MARIE-VICTORIN (1885-1944) a été l’un de ceux-là. À l’occasion de circuits passés, nous avons fait connaissance avec l’homme, le chercheur, le savant et apprécié son apport exceptionnel. Marie-Victorin est celui à qui l’on doit l’immense dossier de la Flore laurentienne. Avec ses milliers de spécimens savamment répertoriés, cet ouvrage comptabilise plus de trente années de cueillette et d’analyse… Et, comme chacun sait, c’est encore à Marie-Victorin qu’on doit la création à Montréal d’un jardin botanique qui deviendra très vite une référence mondiale dans le domaine.

                                            Jardin botanique de Montréal                                      

L’importance du savant méritait bien d’être soulignée. Quelques années après sa mort, on décide d’ériger un monument pour honorer sa mémoire. C’est ainsi que, depuis 1951, Marie-Victorin nous accueille à l’entrée du Jardin botanique de Montréal. 

Le modèle n’est pas vêtu comme l’infatigable cueilleur de plantes qu’il était mais bien drapé dans la tunique des Frères des écoles chrétiennes. Le personnage a de la noblesse, de la hauteur aussi. La sarracénie pourpre, cette fleur qu’il tient sur son cœur, agit comme l’attribut du célèbre botaniste qui la considérait comme  la plus extraordinaire plante de la flore du Québec.

Réalisée à partir de photos, la sculpture de SYLVIA DAOUST (1902-2004) a été façonnée en modelage, puis coulée en bronze comme c’est le cas de la plupart des monuments d’art public.

Plus tard, l’artiste privilégiera un autre matériau, le bois, et s’adonnera à la taille directe. Ses statues de tilleul, de merisier ou d’érable, qui habitent de nombreuses églises, ont inscrit sa démarche dans le grand renouveau de l’art religieux au Québec. On se rappellera le beau détour que nous avons fait en 1994 pour la rétrospective de ses œuvres au Musée des religions de Nicolet.

N’est-il pas fascinant qu’au milieu du XXe siècle, un monument de l’envergure du Frère Marie-Victorin soit l’œuvre d’une femme, qu’il vive dans la durée et entretienne la mémoire collective?

À sa façon, le Jardin botanique de Montréal fait aussi œuvre de mémoire. Voué à la recherche, la conservation et la diffusion des connaissances, il peut se targuer d’être exemplaire.

Il est normal qu’un tel succès ait essaimé d’autres jardins ailleurs au pays comme celui qui a été aménagé en 1985 à Kingsey Falls, ville natale de Marie-Victorin. Dans ce parc-jardin, parmi les arbres, les arbustes, les plans d’eau et les fleurs, vivent d’impressionnantes mosaïcultures.

Quand nous y sommes venus, c’était un peu surréaliste de déambuler dans la lumière chaude de l’été parmi de grands insectes immobiles, autour de faux cactus géants. Le savoir-faire des jardiniers qui ont littéralement créé ce monde est immense et plein de ressources.

Loin d’être comme au XIXe siècle français, une simple décoration florale de parterre, la mosaïculture a pris l’envergure de l’art sculpté, elle habite vraiment le paysage. C’est à Kingsey Falls qu’aurait été créée en 1997, la première mosaïculture tridimensionnelle géante.

Mais la nature selon Marie-Victorin ne se limite pas aux fleurs. Elle s’intéresse à toutes les espèces végétales parmi lesquelles évidemment trône l’arbre.

À l’occasion du 75e anniversaire du Jardin botanique de Montréal, nous faisions en 2006 une visite toute spéciale dans une section du jardin dédiée à ce végétal ligneux.

Portant en sous-titre le nom Frédéric Back, La Maison de l’arbre honore avec justesse un artiste important de notre patrimoine culturel. L’illustrateur est celui qui, dans le sillon de Jean Giono, a donné vie, par ses dessins, à L’Homme qui plantait des arbres. C’était en 1987.

Pour l’artiste comme pour le savant, l’arbre impose sa mystérieuse réalité. Marie-Victorin le considère comme le véritable chef-d’œuvre de la nature. L’extrait de la causerie, prononcée sur les ondes de Radio-Canada en octobre 1943, donne bien l’esprit qui animait le savant. Écoutons quelques mots de sa  méditation sur l’arbre. 

L’arbre est donc pour nous un grand frère muet,

impuissant à nous dire le poème de sa vie intérieure et formidable.

Nous l’aimons tel quel, ce frère muet,

venu de plus loin que nous dans les abîmes du passé,

mûri dans son immobilité et son silence.

S’il ne peut nous initier au mystère de son origine et de sa vie limitée,

il peut, en revanche, sans rompre son auguste silence,

nous apprendre à nous tenir droits,

à chercher les hauteurs, à raciner profondément, à purifier le monde,

à offrir généreusement à tous l’ombre et l’abri.

Cet arbre-modèle est bien celui que Marie-Victorin honore. Nous l’avons retrouvé le long des routes ou dans les parcs de nos excursions passées. Entre l’été et l’automne, l’esprit du lieu, dirait encore l’architecte, ne serait pas le lieu comme tel mais le fait d’être pris dans l’espace-temps. L’arbre, dans toute sa dignité, se soumet à cette exigence. Et il persiste dans l’immuable de la représentation : il est souvent le personnage principal des tableaux de paysage.

Peindre sur le motif comporte certaines exigences si on pense qu’il faut d’abord trouver le point de vue, choisir l’angle où installer le chevalet, apprécier l’éclairage. Prendre rendez-vous avec la nature est, pour celui qui s’intéresse au paysage, une véritable promesse de bonheur. Les trois œuvres présentées ici ont été réalisées au tournant des années 1920 par ÉMILE SARRASIN (1902-1952), celui qui, plus tard, deviendra mon père.

Devant l’agencement de cette pochade, il faut remarquer le feuillage tout vibrant de formes et de couleurs et saisir l’effet de lumière qui filtre en traversant la scène. Laissant vivre l’anonymat du fond dessiné, ce lieu semble bien avoir été choisi pour une observation silencieuse, un temps d’arrêt.

Plus habitée, cette aquarelle nous offre deux plans. Il y a d’abord l’ici du sujet principal, cet arbre merveilleusement bleu qui, sans contrarier la présence de deux autres arbres, déploie avec élégance ses ramifications dans l’espace.

Il y a aussi plus bas, et comme enfoncé au creux du dessin, un morceau de village pour un peu de vie. Le flou associé au traitement libère des ombres colorées elles aussi. Le bleu est partout dans cette aquarelle. Il parle de douceur et de lointain, de tendresse peut-être aussi…

Étrangement, quand l’arbre se dénude pour entrer dans l’automne, on dirait qu’il prend plus de hauteur. Dans son élan, il cherche la lumière.

Situer le point de vue du peintre (et le nôtre) au niveau du sol accentue l’effet de proximité avec la séquence de droite. Dans cet espace, nul besoin de feuillages, les arbres-troncs, qui s’entrecroisent gentiment, ont l’air de danser.

« Pochade à la montagne " Fin d’été automne " un dimanche avant-midi 4 novembre 1928. En compagnie de mon ami des Beaux-arts, Roméo Vincelette »

Et si ce n’était de cette notice collée au dos du panneau, on pourrait croire qu’il s’agit d’un paysage inventé, d’une forêt de tableau! Du point de vue de l’histoire, est-ce important de vérifier l’exactitude du modèle? Comme œuvre de création, ce tableau n’a pas à se justifier d’offrir au regard une balade solitaire au cœur de la forêt.

 

Après cette incursion dans l’univers plus intime de l’art familial, je vous invite à faire une promenade en plein air comme celles que nous faisions en 2003 au parc Lafontaine de Montréal, à Boucherville en 2000 et à Saint-Georges de Beauce en 2019. Trois espaces à revoir pour nourrir la mémoire car sans qu’on y prenne garde, avec l’art sculpté et la verdure, de nombreux pans d’histoire y sont consignés.

PARC LAFONTAINE 

Davantage qu’un bâtiment-musée, un parc est un lieu ouvert, accessible, disponible. Fondamentalement, c’est un lieu de liberté. Le parc Lafontaine s’inscrit bien sûr dans la vie urbaine.

Aménagé en 1874 à l’endroit où se trouvait la ferme LOGAN, ce parc est devenu, comme celui du Mont-Royal ou de l’Île Sainte-Hélène, une belle occasion de rencontres en plein air et de loisirs urbains. Situé dans l’est de la ville, il rejoint une population surtout francophone. Ce fait n’est pas anodin qui incite probablement la commission de la toponymie en 1901 à changer l’appellation Logan Park pour parc Lafontaine, du nom de l’éminent politicien francophile que fut LOUIS-HYPPOLITE LAFONTAINE.

 

Né en 1807 à Boucherville, Louis-Hyppolite Lafontaine fut avocat et député. À 34 ans, il est le plus jeune premier ministre canadien-français de l’histoire de la magistrature.

Celui qui a prôné le gouvernement responsable en instaurant, hors de l’Empire britannique, une première démocratie représentative, a été aussi un ardent défenseur de la langue française.

En 1842, c’est en enfreignant le règlement qu’il livre son premier discours au parlement en français, langue qui était interdite par l’Acte d’union.

Après certains remous politiques, son geste provoquera, quelques années plus tard, la levée de l’interdiction.

Le monument qui le représente est situé en face de l’ancienne Bibliothèque municipale, rue Sherbrooke. Il a été inauguré en 1930. C’est l’œuvre du sculpteur HENRI HÉBERT (1884-1950) qui a réalisé deux versions du même sujet.

Déjà en 1922, il avait fait une statue pour orner la façade du Parlement de Québec.

Mais quand on a agrandi les fenêtres, il a fallu retirer les niches et enlever des sculptures dont celle-ci que la ville de Boucherville a rachetée et qui est maintenant sur le terrain adjacent à la maison natale de Lafontaine.

PARC DE LA BROQUERIE –- BOUCHERVILLE

À la différence de celle du parc Lafontaine, la sculpture de Boucherville est présentée sans l’élévation d’un socle très haut, elle est donc plus accessible. Sans qu’on sache pourquoi, le geste du personnage est inversé : c’est de la main droite qu’il présente ce qui peut être le texte de loi confirmant le gouvernement responsable.

Contrairement à la toge de magistrat dont il est paré à Montréal, le Louis-Hyppolite-Lafontaine de Boucherville porte un vêtement de ville. Dans un cas comme dans l’autre, le modèle est debout.

Dans la verticalité du monument, il a de la grandeur et impose son rapport au décor sylvestre qui l’entoure.

Pour perpétuer le souvenir et documenter l’histoire, l’art a plusieurs façons d’honorer un personnage. Parfois, c’est le réalisme de la représentation qui favorise le lien au modèle. On retrouve ce phénomène dans plusieurs des monuments du parc Lafontaine : le Louis-Hyppolite-Lafontaine d’Henri Hébert (1884-1950), le Dollard-des-Ormeaux d’Alfred Laliberté (1978-1953), et le Félix-Leclerc de Roger Langevin (1940–). Reconnaissables par leurs traits ou leur attitude, ces figures inscrivent le représenté dans la fidélité. Ailleurs, c’est l’évocation abstraite du héros et de son œuvre qui sera soulignée.                                                               

La sculpture Hommage à Charles-de-Gaulle peut être vue comme œuvre d’art, pour elle-même, avant d’être associée au personnage éponyme. L’obélisque de granit de l’artiste français Olivier Debré (1920-1999) n’a vraiment rien d’une figuration. Elle reprend, de façon épurée, l’esprit de colonnes commémoratives comme la colonne Vendôme à Paris. Pour l’histoire, le monument situé près de la rue Sherbrooke célèbre le lien entre Charles-de-Gaulle, l’homme politique, et le Québec.

C’est un cadeau de la France à la ville de Montréal à l’occasion du 350e anniversaire de sa fondation. Placée aux abords du parc Lafontaine, cette sculpture confirmerait la poussée verticale des arbres de l’alentour. On peut considérer à l’infini les jeux de lumière sur l’écorce des troncs, dans les feuillages, et comme l’attention à la sculpture, on peut se laisser prendre à cette fascination.

SAINT-GEORGES DE BEAUCE

Si des œuvres sculptées ponctuent le paysage de certains parcs, il est un espace vert qui tend à se confondre avec un véritable musée. L’intérêt du Symposium international de la sculpture de Saint-Georges est de fournir, depuis 2014, des œuvres d’art de qualité dans la permanence du paysage beauceron.

À la fin de l’été 2019, pour celui qui allait être notre tout dernier circuit de la grande aventure des beaux détours, nous avons pu apprécier l’immense créativité des artistes qui se sont prêtés à l’exercice de créer sur place des œuvres riches de sens et de beauté.

 

Installées un peu partout dans l’herbe ou près de l’eau, les sculptures peuvent désormais prendre racine. Elles sont œuvres originales créées pour habiter l’espace végétal et le rendre vivant.

Qu’il s’agisse de Persistance intemporelle de Yan Normand,

 

de l’Intrigante assemblée de Paul Duval, du Cirque 125 de Gilles Pednault.

Comme au parc Lafontaine ou à Saint-Georges de Beauce, il est fréquent que l’art sculpté prenne part au paysage, qu’au détour d’une promenade surgisse, tout à coup, un accident, un morceau d’art délibérément placé pour étonner et réjouir. Nous avons vécu ce genre de surprise lors d’une excursion dans l’arrière-pays de Vaudreuil, à la fin de l’été 2018.

JARDIN DES POSSIBILITÉS

L’accueil au Jardin des possibilités, appelé aussi Gannaiden ou jardin d’Éden en hébreu, nous a fait pénétrer un monde à part, loin de l’ordinaire quotidien. Créé en 1990, ce parc-jardin luxuriant, mi-sauvage mi-structuré, a été aménagé par Elaine Steinberg, il sert aussi de « salle d’exposition » aux œuvres de son mari, le sculpteur Marcel Braitstein. Une ménagerie particulière, principalement née de la récupération métallique et de l’imaginaire créateur, semble vivre dans cet espace.

MARCEL BRAITSTEIN (1935–) a subi les affres de la guerre : Juif né en Belgique, il a dû vivre une partie de son enfance caché, sous un nom d’emprunt.

Arrivé au Canada en 1951, il s’est formé aux beaux-arts avant de devenir professeur de sculpture à l’UQAM.

               Crédit photo : Josée Kucharski

Fort d’une profonde réflexion sur la condition humaine, son travail propose des représentations anthropomorphiques ou animalières. Ses grands oiseaux noirs sans nom pourraient être vus comme des archétypes. Ils ont une sorte d’universalité formelle qui rejoint l’essentiel. Est-ce parce qu’ils sont associés à la liberté que les oiseaux sont si nombreux dans l’art du sculpteur?

Pendant la visite que nous faisions aux jardins Gannaiden, le privilège nous a été donné de profiter, le temps d’un après-midi plein de soleil, de la découverte de cette étonnante volière et de vivre une chaleureuse rencontre avec les hôtes du lieu. « Un bon arbre peut loger dix mille oiseaux » dit le proverbe, qu’en est-il du chant de la sculpture ?

Chers amis, vous le savez bien, le vert de la nature avec toutes ses variations est infini. Du brin d’herbe sauvage à la branche de l’arbre, il apaise autant qu’il émerveille. Pour vous en convaincre, il suffit d’ouvrir l’œil, un seul instant, et de regarder dehors, le matin, au midi ou plus tard. Au gré de la lumière, le jeu de nuances qui se déploie dans la nature n’a pas vraiment besoin de jardinier, il s’accomplit du passage du jour et du regard qu’on lui porte.

Le vert a de la vitalité, de la joie. Le vert de cette infolettre aussi!

 

Madame, Monsieur, amis des beaux détours,

Pour colorer mon message, j’ai glané un peu partout dans l’histoire des beaux détours des morceaux de vert, en paysages, en fleurs, en jardins et en forêts. Les clichés sont donc issus de différents voyages de repérage ou saisis lors de beaux détours.

Au fil du propos, parmi les œuvres d’art qui habitent ces lieux, on aura vu un peu de la campagne de Calixa-Lavallée, le chemin d’accueil à Boscobel, dans l’État de New York, le Jardin botanique de l’Université Cornell à Ithaca (New York), l’étang et les environs fleuris de Giverny en France, le Jardin botanique de Montréal et de Kingsey Falls, le boisé chez Eleanor Roosevelt à Val-Kill (New York), la pinède de Gisèle à Saint-Roch-des-Aulnaies, des racines puis des arbres en tableaux, la verdure des parcs de Boucherville, de Montréal, du Domaine Joly-de-Lotbinière, de Saint-Georges de Beauce, de Vaudreuil et le saule géant de la Côte-du-Sud entouré de souriantes voyageuses!

Je vous invite enfin à consulter le nouveau site des beaux détours, au www.lesbeauxdetours.com 

© Francine Sarrasin, 2021 – Présentation et montage, Claire Sarrasin