Chauves-souris aux abris : infolettre 2024

Bonjour à tous et toutes, allié(e)s des chauves-souris !🦇

L’été est à nos portes, alors quoi de mieux pour bien entamer la saison estivale que d’en apprendre un peu plus sur ces magnifiques créatures de la nuit! L’équipe de Chauves-souris aux abris espère émoustiller votre curiosité sur le fascinant monde des chiroptères en vous présentant quelques nouvelles et faits saillants de 2023-2024. Le contenu de cette rubrique a été compilé par l’équipe du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), grâce à la participation de nombreux partenaires.

Cette infolettre se veut également un rappel pour encourager votre participation à recenser des colonies de chauves-souris et à réaliser des décomptes.

L’été dernier, ce sont 144 décomptes qui ont été effectués, dont 95 par le ministère, 22 par nos partenaires, et 27 par vous, les participants de Chauves-souris aux abris. Encore une fois cet été, nous espérons que le beau temps sera de la partie pour une autre belle saison riche en inventaire ! Ceux-ci sont primordiaux pour prendre le pouls des populations de chauves-souris.

Si vous croisez une chauve-souris en plein vol ou au repos, vous pouvez la signaler comme observation individuelle (onglet « Participer ») après vous être créé un compte sur Chauves-souris aux abris. Ceci nous permet de récolter de l’information utile à leur protection!

Si vous avez des commentaires ou des questionnements pour les prochaines infolettres, n’hésitez pas à nous en faire part via: info@chauvesourisquebec.ca

Bonne lecture et bon été !

Capsule sur une espèce de chauve-souris

Chauve-souris cendrée

😍 Beauté méconnue : Son pelage remarquablement coloré ne laisse personne indifférent! Son corps brun foncé orné de poils se terminant par du blanc cendré, en plus de sa gorge jaune, en font un animal étonnant. Et avez-vous remarqué ses adorables oreilles rondes? Quelle magnifique chauve-souris!

📍 Où habite-t-elle? Migratrice, la chauve-souris cendrée demeure au Québec durant la saison chaude seulement. Elle repart vers les Caraïbes et le sud des États-Unis à l’automne. Chez nous, elle habite en général les régions boisées et semi-boisées et elle chasse au-dessus des clairières et des plans d’eau.

⚠️ Pourquoi cette espèce est-elle en danger? En plus de la perte et de la dégradation des milieux naturels qui nuisent à sa survie, l’implantation de parcs éoliens peut également être dommageable pour cette espèce. Ceux se trouvant au travers de sa route migratoire peuvent lui être fatals, notamment lorsqu’elle entre en collision avec les pales des éoliennes.

⚡ Conseil éclair pour lui venir en aide : Active de nuit et vivant en forêt, la chauve-souris cendrée est difficilement observable et très peu de données sont disponibles pour préciser l’état de sa situation. Vous croyez l’avoir aperçue? Partagez vos observations à chauve-souris.ca.

🔎 Pour en savoir plus sur cette espèce à bit.ly/44j18DQ

Bilan de la saison 2023-24 des refuges hivernaux pour chauves-souris

Louis Lazure, biologiste et coordonnateur conservation et recherche au Zoo de Granby

La lumière UV à la rescousse des chauves-souris ?

Perspective prometteuse pour la réhabilitation des populations de chauves-souris résidentes

En savoir un peu plus sur le syndrome du museau blanc

Les chercheurs savent maintenant que l’état physique et le maintien d’un bilan énergétique positif jouent un rôle critique dans la pathologie du SMB, la rémission de l’hôte, la reproduction et la survie de l’individu. Les chauves-souris touchées par le SMB qui survivent à l’hibernation éprouvent une contrainte énergétique lorsqu’elles sortent de leur état de torpeur au printemps. Ces contraintes physiques sont d’autant plus catastrophiques pour les femelles qui doivent refaire le plein d’énergie et se préparer à la période de reproduction alors que la température ambiante est froide et que les proies se font rares. Il faut savoir que les demandes énergétiques pour guérir des dommages causés par le SMB sont énormes pour les chauves-souris atteintes de cette infection fongique. Étant donné qu’un bilan énergétique positif est important pour la survie et le rétablissement des chauves-souris atteintes par le SMB, le succès de la recherche de nourriture et l’apport en énergie pourraient être des éléments clés à la survie et la persistance des individus touchés. L’étude expose une piste de solution intéressante survolant ces deux aspects.

Capture d’insectes, écholocalisations et recherche de nourriture

L’équipe de recherche s’est intéressée à deux périodes très importantes du cycle vital des chauves-souris résidentes : le transit printanier et le transit automnal. L’étude ciblait l’espèce de chauves-souris la plus durement atteinte par le SMB : la petite chauve-souris brune. Une des hypothèses intéressantes se penchait sur les effets que pourraient apporter des habitats procurant des proies de qualité à proximité des hibernacles. Ainsi, le coût énergétique de la recherche de nourriture et du vol pourrait être réduit, ce qui pourrait aider les chauves-souris à accumuler plus de masse graisseuse à l’automne et par conséquent se rétablir du SMB plus rapidement au printemps. Ceci pourrait ultimement améliorer la survie et la reproduction des individus ainsi qu’aider à la résilience des populations et leur rétablissement.

Afin d’attirer et de capturer des insectes, l’équipe de chercheurs a donc installé des pièges à insectes équipés d’une lumière UV comme leurre, à proximité des hibernacles. La collecte d’insectes a permis de caractériser la disponibilité en proies au niveau des leurres lumineux. Des appareils détectant des ultrasons ont été installés à proximité afin d’enregistrer les écholocalisations émises par les chauves-souris. Les écholocalisations enregistrées ont été analysées une à une afin de distinguer les « feeding buzz » des signaux émis lors de la phase de recherche.

À la lumière des résultats

L’expérience a démontré que les pièges lumineux attiraient beaucoup de papillons de nuit, ce qui constitue des proies de qualité pour les chauves-souris. De plus, on enregistrait davantage de comportements de recherche de nourriture de la petite chauve-souris brune près des pièges lumineux. Ces résultats suggèrent que les efforts visant à améliorer l'habitat à proximité des hibernacles, en attirant des proies de haute qualité, pourraient améliorer l'efficacité de la recherche de nourriture et réduire les coûts de déplacement.

Bien que l’utilisation des leurres à lumière UV est logistiquement demandant pour représenter une réelle stratégie de gestion à long terme, ils pourraient servir à court terme comme mesure de gestion ciblée dans certains hibernacles au profit de certaines populations de chauves-souris fragilisées. Dans les régions où le SMB fait des ravages, pourquoi pas investir dans la protection, la restauration et l’amélioration de l’habitat afin d’augmenter la densité d’insectes disponibles près des hibernacles? De tels efforts pourraient favoriser la stabilité de la population, voire sa croissance et ainsi soutenir la résilience et le rétablissement des populations de chauves-souris là où le SMB est maintenant endémique.

FRICK, F., A. DZAL, W., A. JONASSON, Y., D. WHITBY, K., M. ADAMS, M., LONG, A., E. DEPUE, C., M. NEWMAN, J., K. R. WILLIS, C. et T. L. CHENG (2023). “Bats increased foraging activity at experimental prey patches near hibernacula”. Ecological Solutions and Evidence, 4(1). https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1002/2688-8319.12217

Bilan du Réseau québécois d’inventaires acoustiques de chauves-souris (Réseau Chirops)

Résultats des inventaires de 2000 à 2020

Vous vous demandez peut-être comment sont recueillies les informations sur l’état des populations de chauves-souris du Québec? Il est grand temps pour nous de vous présenter le Réseau Chirops.

Le Réseau Chirops: qu’est-ce que c'est? Mis en place en 2000, le Réseau Chirops est le réseau québécois d’inventaires acoustiques de chauves-souris. Il a pour but d’augmenter nos connaissances sur les chauves-souris de la province. Il étudie leur répartition sur l’ensemble du territoire québécois en effectuant des inventaires acoustiques de chauves-souris annuellement. Ces inventaires suivent un protocole standardisé du MELCCFP et permettent d’assurer un suivi de populations à long terme.

Qu’est-ce qu’un inventaire acoustique? Celui-ci consiste à capter l’activité nocturne des chauves-souris en enregistrant les cris d’écholocalisation émis en vol à l’aide d’un détecteur d’ultrasons.

Ce premier bilan complet du Réseau Chirops présente les résultats des inventaires acoustiques effectués de 2000 à 2020. Celui-ci nous permet ainsi d’avoir l’heure juste quant à la situation actuelle des différentes espèces de chauves-souris du Québec.

Figure 1. Activité moyenne des espèces de chauves-souris du Réseau Chirops de 2000 à 2020 pour l’ensemble du Québec. La plage grise débutant en 2010 indique les années au cours desquelles le syndrome est détecté dans au moins une région du Québec.

Figure 2. Données d’activité pour : a) le complexe des Myotis spp.; b) la grande chauve-souris brune; c) la chauve-souris argentée; d) la chauve-souris cendrée; e) la chauve-souris rousse; et f) la pipistrelle de l’Est pour les différentes régions avant et après la détection du syndrome (2010), toutes années confondues. Les barres bleues représentent les données avant syndrome et les barres orangées, après syndrome. Les régions sont identifiées en utilisant leurs codes numériques : 1 Bas-Saint-Laurent; 2 Saguenay–Lac-Saint-Jean; 3 Capitale-Nationale; 4 Mauricie; 5 Estrie; 7 Outaouais; 8a Abitibi; 8b Témiscamingue; 9 Côte-Nord; 10 Nord-du-Québec; 11 Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine; 12 Chaudière-Appalaches; 13 Laval; 14 Lanaudière; 15 Laurentides.

Les résultats permettent donc de mettre en lumière l’ampleur de la problématique du syndrome du museau blanc qui sévit au Québec depuis 2010. Ils démontrent également que des changements à l’échelle de la composition des communautés de chauves-souris sont survenus au courant des dernières années à la suite de l’apparition du SMB. Voici en rafale quelques résultats, pour les analyses couvrant la période de 2000 à 2020 :

Complexe Myotis spp. (la petite chauve-souris brune, la chauve-souris pygmée de l’Est et la chauve-souris nordique) : Ces espèces résidentes ont été fortement perturbées par le syndrome du museau blanc (SMB) à la suite de l’introduction du champignon dans les sites d’hibernation. Comme partout où le champignon s’est propagé, les populations du genre Myotis spp. du Québec ont subi un important déclin. Des études ont observé que les densités de certaines populations se sont stabilisées après quelques années, plus spécifiquement dans certaines régions, démontrant une certaine résistance ou tolérance au syndrome.

Pipistrelle de l’Est et chauve-souris rousse : Parmi les huit espèces vivant au Québec, la pipistrelle de l’Est et la chauve-souris rousse ont les plus faibles niveaux d’activité répertoriés. Cependant, les données récoltées démontrent une légère tendance à la hausse des populations pour ces espèces.

Chauve-souris cendrée : À l’échelle provinciale, les niveaux d’activité de la chauve-souris cendrée sont demeurés stables avec une légère baisse dans les dernières années. À l’échelle régionale c’est plus variable : on note une hausse d’activité dans certaines régions et une baisse dans d’autres.

Complexe Grande chauve-souris brune / Chauve-souris argentée : Les niveaux d’activité de la chauve-souris argentée ont augmenté entre les périodes datant d’avant et d’après l’apparition du SMB, tandis que ceux de la grande chauve-souris brune sont demeurés stables à l’échelle provinciale. Étant une espèce migratrice, la chauve-souris argentée n’est pas directement touchée par le syndrome. Le déclin des populations du complexe Myotis spp. depuis l’apparition du SMB pourrait avoir favorisé l’augmentation de ses niveaux d’activité, en plus des effets des changements climatiques qui leur sont favorables. La grande chauve-souris brune, étant une espèce résidente, semble avoir été moins gravement touchée par le SMB que le complexe Myotis spp. Sa résistance à celui-ci pourrait s’expliquer par sa capacité à accumuler beaucoup de réserves adipeuses avant l’hibernation et par son comportement d’hibernation en solitaire dans des endroits froids où il y a une circulation d’air. En effet, ces conditions sont moins favorables à la propagation du SMB.

Vous désirez en savoir plus? Voici le lien vers le bilan complet du réseau Chirops : https://mffp.gouv.qc.ca/documents/faune/rapport-resultats-inventaires-acoustiques-chauves-souris.pdf

C’est déjà tout pour notre infolettre de 2024 ! Nous vous souhaitons d’observer pleins de chauves-souris cet été ! Cependant, n’oubliez pas qu’il est très important de ne pas toucher directement une chauve-souris, autant pour vous, vos enfants ou vos animaux de compagnie. Si vous craignez qu’il y ait eu un contact, appelez immédiatement Info-Santé au 811 ou votre vétérinaire pour un animal de compagnie. Restez prudent !

Si vous avez des questions ou des préoccupations : vous pouvez nous joindre à info@chauvesourisquebec.ca. Sachez que l’équipe de Chauves-souris aux abris au Québec est constituée de spécialistes des chauves-souris du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP). Il nous fera un plaisir de répondre à vos questions.

Nous vous souhaitons un bel été !

L’équipe de « Chauves-souris aux abris »