Veille informationnelle : Une crise à dimension sociale et humaine
En plus des répercussions macroéconomiques répertoriées dans l’infolettre de la semaine dernière, la pandémie mondiale actuelle engendre des impacts sociaux et humains considérables, et ce, pour l’ensemble de la société. Malheureusement, certains groupes sociodémographiques – dont les personnes aînées ou en situation de pauvreté, les femmes et certains groupes ethnoculturels – sont davantage touchés par la crise sanitaire et socioéconomique provoquée par la COVID-19, comme le souligne un récent rapport de l’Observatoire québécois des inégalités.
L’équipe d’AXTRA vous prépare d’ailleurs une prochaine infolettre abordant plus spécifiquement les conséquences de la crise pour divers groupes populationnels plus vulnérables. Entre-temps, voici un bref résumé de certaines des retombées globales de la situation actuelle, dans un horizon à court et moyen termes.
Stress, anxiété, déprime et deuils
Puisqu’elle constitue une réalité particulière et inhabituelle, l’actuelle pandémie de coronavirus affecte un grand nombre de personnes sur le plan psychologique, provoquant des réactions de stress, d’anxiété et de déprime. Le chamboulement de la vie quotidienne, l’émergence de nouvelles inquiétudes ainsi que la nécessité de s’ajuster de façon constante à des circonstances et directives changeantes peuvent également engendrer une fatigue émotionnelle et décisionnelle chez plusieurs personnes. Par ailleurs, en plus des deuils vécus par ceux qui ont perdu un être cher en raison du virus, la plupart des individus vivent différents deuils, que ce soit celui de la normalité, d’un sentiment de sécurité, de leurs contacts sociaux, de leur mobilité ou encore de leurs rituels collectifs.
Qui plus est, la plupart des mécanismes d’adaptation habituellement déployés par les individus pour faire face à une situation stressante (comme voir des amis, aller au gym ou suivre un cours d’art) sont momentanément suspendus. Si plusieurs articles ou billets sur les médias sociaux incitent la population en quarantaine à finir un projet mis sur la glace depuis plusieurs années ou à se découvrir un nouveau passe-temps, les experts se montrent toutefois prudents. Certes, ces conseils peuvent être motivants pour certains, mais ils peuvent également devenir une source additionnelle d’anxiété pour d’autres.
« Les gens essaient encore de comprendre comment exister dans ce nouvel environnement. Déterminer comment structurer votre journée ou hiérarchiser vos tâches semble désormais un défi herculéen, en particulier lorsque votre maison, autrefois votre sanctuaire, joue désormais une triple fonction, en tant que bureau, école et quasi-prison. »
- BBC [traduction libre]
Pertes d’emploi et travail en temps de pandémie
Au Canada, des millions de travailleurs ont perdu leur emploi au cours des dernières semaines et sont en attente de leur premier versement d’aide financière (que ce soit par le biais de l’assurance-emploi ou de la prestation canadienne d’urgence). Au Québec, par exemple, le taux de chômage a atteint 8,1 % en mars, soit une hausse de 3,6 points de pourcentage par rapport au mois précédent – la plus forte augmentation à l’échelle canadienne. Cette rupture du lien d’emploi entraîne, pour plusieurs, des difficultés financières – particulièrement pour les travailleurs précaires ou faiblement rémunérés –, mais également psychologiques. Si perdre un emploi s’avère émotionnellement éprouvant de façon générale, subir ce même événement dans un environnement marqué par l’incertitude, par un ralentissement économique mondial et par une transformation accélérée des pratiques de travail peut ajouter des facteurs de stress supplémentaires.
Ces employés licenciés ne sont toutefois pas les seuls à souffrir des répercussions de la pandémie dans leur quotidien professionnel. Ceux qui ont l’occasion de poursuivre leur travail depuis leur domicile doivent également jongler avec la réalité actuelle et la pression de continuer à bien performer au travail, tout en s’occupant – pour certains – de leurs enfants ou parents âgés. D’ailleurs, plusieurs articles (notamment « Parents télétravailleurs : comment concilier l’inconciliable? » ou « The Parents Are Not All Right ») soulignent les difficultés de la conciliation travail-famille en temps de confinement, avec la fermeture des écoles et des services de garde.
Enfin, plusieurs employés qui doivent se rendre sur leur lieu de travail en transport en commun se montrent également inquiets – tout comme les chauffeurs d’autobus –, puisque la distanciation physique n’est pas toujours possible entre les usagers, surtout à l’heure de pointe.
Difficultés financières et économiques
Selon l’Observatoire québécois des inégalités, 10 % de la population québécoise ne parvenait pas, avant la crise, à subvenir à ses besoins de base. Un sondage réalisé par l’Association canadienne de la paie en 2017 a également révélé que 34 % des Québécois vivent d’une paie à l’autre. Pour plusieurs – dont une majorité de ménages à faible revenu –, la crise sanitaire et économique actuelle entraîne son lot d’incertitudes financières et de stress économique, que ce soit pour payer l’épicerie ou les factures récurrentes, faire face aux créanciers ou encore rembourser ses dettes de crédit. D’ailleurs, les demandes de dépannage sont en recrudescence dans les banques alimentaires, alors que de nombreuses ressources prévoient même aider deux fois plus de personnes qu’à l’habitude. Selon certaines prédictions, près d’un Québécois sur 10 pourrait avoir recours à une banque alimentaire, ce qui représente quelque 800 000 individus par semaine à l’échelle provinciale.
Isolement social et impacts sociétaux
Privés de contacts humains et de relations sociales en raison des mesures de confinement, les individus sont plus susceptibles de vivre différentes émotions de façon accentuée, comme de l’anxiété, de l’agitation, de l’ennui, de l’irritabilité, de la tristesse, de la frustration, de l’insomnie, de la fatigue ou encore de la difficulté à se concentrer. Même si tout le Québec se retrouve en quarantaine depuis quelques semaines, certains groupes d’individus vulnérables sont plus susceptibles de subir les conséquences immédiates de cet isolement, comme les personnes âgées, les personnes qui vivent seules, les personnes marginalisées et les personnes à faible revenu. Le confinement peut également représenter un risque supplémentaire pour les ménages comportant un conjoint ou des parents violents, car, même si la plupart des ressources en violence conjugale ou familiale demeurent ouvertes, plusieurs sont confrontées à des difficultés d’accès (notamment en raison du confinement), de personnel (souvent bénévole) et de financement.
Voir le bon côté des choses, malgré tout
En cette période difficile, il est bon de se remémorer quelques-uns des aspects positifs qui émanent de cette crise sans précédent. Dans plusieurs régions, villes et villages, les gestes de solidarité se multiplient, notamment à l’égard du personnel soignant, des camionneurs et des autres employés des services essentiels, mais aussi des personnes âgées ou vulnérables. De nouvelles initiatives gouvernementales, comme les plateformes JeBénévole.ca et LePanierBleu.ca, visent également à encourager l’entraide communautaire et l’achat local. Au niveau individuel, des analystes estiment que la situation actuelle permettra à plusieurs personnes d’améliorer leur résilience et leur capacité à gérer l’incertitude dans le futur. Et certains notent que la diminution des déplacements locaux et internationaux a des impacts positifs visibles sur l’environnement, bien qu’ils ne soient que temporaires et qu’ils surviennent à la suite d'un ralentissement économique tragique pour de nombreux individus et entreprises.
Quoi qu’il en soit, comme l’a rappelé le premier ministre François Legault dans l’un de ses points de presse quotidiens, «Tout ça, c'est temporaire. On n’est pas pris là-dedans pour toujours. Plus on va agir avec force, plus vite on va pouvoir sortir de la situation ».
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