Le SPécialiste


ÉDITION SPÉCIALE

Poursuivre les dossiers disciplinaires au temps de la COVID-19

 

La récente épidémie de COVID-19 est venue chambouler notre quotidien sans crier gare. Pour répondre aux demandes de la Direction de la santé publique, plusieurs sociétés, dont les ordres professionnels, ont dû fermer leurs bureaux et mettre en place des politiques et des mesures de télétravail. Après le choc provoqué par de tels changements soudains dans l’organisation du travail, nous pouvons prendre le temps de nous demander si nous pouvons faire les choses autrement pour que la société, en particulier les organisations vouées à la protection du public, puissent continuer de fonctionner.

Avec les outils technologiques désormais à la disposition de tous et toutes ainsi que les récentes évolutions législatives et jurisprudentielles en matière de technologies de l’information, il est possible de poursuivre les activités des bureaux de syndics depuis la maison sans problème.

Sarrazin+Plourde travaillait à l’édition d’un bulletin destiné au monde disciplinaire : le SPécialiste en droit disciplinaire. La pandémie de la COVID-19 nous incite à devancer sa sortie par la publication de cette édition spéciale. Dans ce bulletin, nous partageons quelques réflexions et propositions visant à assurer la continuité de vos différentes activités, et ce, de façon compatible avec l’isolement volontaire et la distanciation physique actuellement en vigueur. Vous pouvez contribuer à la santé et à la sécurité de tous et toutes sans nuire à la bonne marche de vos dossiers.

Dans cette édition, nous couvrons :

N’hésitez pas à communiquer avec nous pour obtenir de plus amples conseils sur la poursuite des dossiers disciplinaires sans papier.

L'enquête

Tout au long de son enquête, un syndic peut demander au professionnel visé la transmission de copies de documents qu’il juge nécessaires. Cette transmission peut aisément se faire par courriel ou tout autre plateforme d’échange de documents. Si la consultation du document original est nécessaire et importante, rien n’empêche le syndic de demander son envoi par courrier recommandé pour consultation future.

Les différents outils technologiques peuvent également permettre la tenue d’entrevues d’enquête, que ce soit par téléphone ou par visioconférence. Pour déposer en preuve les déclarations recueillies par le syndic ou ses enquêteurs, tout comme lors d’entrevues en personne, il faut les enregistrer sur un support pour permettre d’assurer son intégrité.

Les logiciels de visioconférence Skype et Zoom permettent l’enregistrement d’appels complets. Par contre, veuillez noter que les fournisseurs de ces logiciels ne garantissent pas l’intégrité complète du document. Nous recommandons ainsi de vous assurer que la durée de l’enregistrement correspond véritablement à celle de l’entrevue, ou encore d’effectuer un enregistrement parallèle grâce aux outils que vous utilisez habituellement.

Vous pourrez ainsi faire l’expérience d’un dossier d’enquête sans papier, tout aussi valable qu’un dossier tenu « papier ». Plus encore, cela vous évitera de perdre des données lors d’un transfert de support. Par exemple, lorsque vous imprimez un courriel, les métadonnées incluses dans le fichier ne sont pas reproduites.

Pour assurer le succès de cette transition, nous vous invitons par ailleurs à adopter dès le départ une convention de nommage de vos fichiers.

Forte de sa propre expérience avec l’utilisation de moyens et supports technologiques, l’équipe chez Sarrazin+Plourde peut vous assister dans la mise en place de dossiers d’enquête sans papier, incluant la convention de nommage des fichiers.

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La plainte sur support technologique (art. 127 du C.prof. et art. 6 des Règles de preuve)

La plainte n’a pas à être consignée sur un support papier. En effet, la seule exigence concernant la présentation de la plainte est d’être formulée par écrit, appuyée du serment du plaignant. Ainsi, la plainte peut être rédigée sur un support papier ou encore sur un support technologique. Dans le cas d’un support technologique, il faut seulement confirmer qu’il est en mesure d’assurer l’intégrité de l’information contenue (art. 12 LCCJTI), ce que permet le format PDF/A (art. 68 LCCJTI).

C’est la signature de la plainte, manifestation du serment, qui crée la version originale de la plainte. Une signature consiste dans l’apposition qu’une personne fait de son nom ou d’une marque qui lui est personnelle et qu’elle utilise de façon courante pour manifester son consentement (art. 2827 C.c.Q.). Il n’y a donc aucune exigence voulant que cette signature doive se faire à l’aide d’un crayon sur une feuille de papier. Le syndic peut donc signer la plainte de manière électronique.

La signature électronique peut prendre plusieurs formes :

  • Le nom dactylographié du signataire (p. ex : (s) Jean Bonhomme);
  • L’image de la signature réelle du signataire, qui est par la suite ajoutée au document PDF grâce à un logiciel comme Acrobat Reader DC; ou
  • La signature du signataire à l’aide de sa souris d’ordinateur, d’un stylet ou de son doigt sur le pavé tactile.

Ainsi, on rédige la plainte dans un logiciel de traitement de texte et l’enregistre en format Word, comme on le fait déjà dans la grande majorité des cas. Pour créer une plainte sur support technologique, il suffit d’exporter ce document en format PDF/A avant ou après y avoir apposé sa signature électronique lors du serment, en présence virtuelle du commissaire à l’assermentation.

La plainte sur support technologique doit ensuite être envoyée par courriel au commissaire à l’assermentation qui confirmera la prestation du serment par l’apposition de sa signature électronique.

Il est, en effet, possible de procéder à l’assermentation de manière technologique, en utilisant les services de visioconférence mentionnés précédemment (Skype ou Zoom).

Ainsi, par visioconférence, le commissaire pourra s’assurer que le déclarant est bel et bien le signataire et qu’il reconnait le contenu du document qu’il s’apprête à signer. La seule différence entre une assermentation en personne et une assermentation par un moyen technologique est l’énoncé que le commissaire devra inscrire sur le document :

Serment reçu par moi par un moyen technologique à [ville], ce [date ajoutée à la signature].

Veuillez noter que les récentes directives publiées par le ministère de la Justice sont à l'effet que le moyen technologique utilisé doit respecter les exigences suivants :

  • La signature peut être apposée par divers moyens technologiques du moment où elle permet d’identifier les signataires et la manifestation de leur consentement;
  • Le déclarant et le commissaire à l’assermentation doivent pouvoir se voir et s’entendre de manière simultanée;
  • Le déclarant et le commissaire à l’assermentation doivent pouvoir voir le document qui fait l’objet de l’assermentation; et
  • L’intégrité et, le cas échéant, la confidentialité des documents partagés et du processus d’assermentation doivent être assurés.

Vous avez désormais entre les mains une plainte sur support technologique assermentée à distance!

Les prochaines étapes peuvent également s’effectuer sur support technologique et à distance, comme l’indiquent la réglementation et les références.

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Le dépôt de la plainte auprès du secrétaire du conseil de discipline (art. 126 et 127 du C.prof. et art. 7 des Règles de preuve)

L’étape suivante consiste à déposer la plainte auprès du secrétaire du conseil de discipline. L’envoi par courriel de la plainte sur support technologique ne lui retire pas son caractère d’original étant donné qu’elle n’est pas transférée de support, que ce soit du papier au PDF ou du PDF au papier (art. 12 et 30 LCCJTI).

La Cour suprême du Canada a d’ailleurs confirmé le 19 mars dernier accepter le dépôt de tous les documents par courriel.

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La réception de la plainte par le secrétaire du conseil de discipline (art. 126 et 127 du C.prof. et art. 7 et 8 des Règles de preuve)

La réception de la plainte par le secrétaire du conseil de discipline consiste habituellement à apposer sa signature et à lui attribuer un numéro de dossier.

Le secrétaire peut donc signer à son tour la plainte de manière électronique et ainsi éviter les transferts de support inutiles. Après avoir été signée électroniquement, la plainte peut être versée directement à un dossier électronique selon le numéro attribué par le secrétaire (art. 8 des Règles de preuve).

Qui plus est, l’avis que le secrétaire doit transmettre au plaignant à la réception de la plainte peut aussi, à l’instar de la plainte, être préparé sur support technologique et transmis de façon électronique.

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La signification de la plainte à l'intimé (art. 132 du C.prof.)

Le secrétaire doit ensuite signifier la plainte à l’intimé de la manière prévue au Code de procédure civile.

Ce dernier énonce plusieurs modes de signification, mais ne traite pas spécifiquement de la signification par moyen technologique. Or, il est possible de demander la signification par des moyens électroniques (comme le courriel, par exemple) en vertu de l’article 112 C.p.c. De plus, considérant que chaque professionnel a pour obligation de fournir une adresse courriel à l’ordre (art. 60 C.prof.), le secrétaire peut se fier au registre de l’ordre pour mener à bien la signification par un moyen technologique.

Pour demander la signification par un autre mode ou à d’autres heures que ceux prévus dans le Code de procédure civile, il faut transmettre une demande à cet effet au président du conseil de discipline démontrant qu’il s’agit d’un moyen de notification plus efficace. La signification par courriel, plutôt que par un huissier de justice, est clairement plus efficace dans le présent contexte de crise sanitaire. Par ailleurs, Lexop, Todoc et la plateforme sécurisée PaquetteWeb permettent tous d’assurer la confection d’une preuve de transmission et de réception valable.

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La divulgation de la preuve

Le syndic doit divulguer les éléments de son enquête avec célérité après la signification de la plainte au professionnel. Pour ce faire, il possède un pouvoir discrétionnaire quant aux modalités de la divulgation.

Il est reconnu depuis maintenant plus de vingt ans que la divulgation par moyen technologique favorise l’efficacité de l’administration de la justice. Ainsi, la divulgation par fichier sécurisé PDF/A permettant une recherche plein texte (océrisé ou « OCRed ») rencontre les critères établis par le Règlement du Tribunal des professions et le Règlement de la Cour du Québec. Notre cabinet a d’ailleurs recours depuis de nombreuses années aux moyens technologiques pour effectuer les divulgations dans les dossiers disciplinaires.

N’hésitez pas à nous demander conseil!

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L'audition (art. 10 des Règles de preuve)

Dans son communiqué émis le 18 mars 2020, le Bureau des présidents des conseils de discipline mentionne que « [d]es alternatives afin que certaines auditions procèdent en tout ou en partie à distance par visioconférence peuvent aussi être offertes aux parties quand cela est possible et approprié ». La vision du Bureau est en phase avec le Code de procédure civile, qui prône de pareilles mesures (art. 26 C.p.c.).

De plus, un survol rapide de la jurisprudence démontre qu’il n’est pas rare de voir des témoins ou l’intimé témoigner par visioconférence pour des raisons de distance géographique ou autre. L’équipe de Sarrazin+Plourde procède sans papier depuis quelques années devant plusieurs conseils de disciplines et, par conséquent, possède déjà l’expertise requise pour tenir des auditions par visioconférence.

Dans le même communiqué, le Bureau reconnaît que les demandes d’audition en visioconférence sont conséquentes avec « la nature des plaintes disciplinaires et des auditions et l’importance de la mission de protection du public ». En effet, les tribunaux – tant les conseils de discipline et le Tribunal des professions que les tribunaux supérieurs et d’appel – ont reconnu à de multiples reprises que la protection du public exige du processus disciplinaire une grande célérité.

À ce sujet, nous sommes d’avis qu’il appartient aux syndics dont les auditions sont ou seront affectées de prendre les devants et de déposer des demandes en ce sens aux présidents des formations concernées (art. 10 des Règles de preuve). Les dossiers qui font l’objet de recommandations communes quant à la sanction sont particulièrement propices à l’utilisation de la visioconférence. En effet, leurs auditions nécessitent l’administration d’une preuve moins volumineuse et font très souvent l’objet d’une procédure allégée.

De pareilles demandes font rarement l’objet de contestation et sont bien souvent présentées conjointement par les parties.

Il va sans dire que notre équipe peut rédiger et déposer ces demandes au nom des syndics concernés.

Quant à la signification des avis d'audition et des décision des conseil de discipline, veuillez prendre note que les enseignements concernant la signification de la plainte s'y appliquent de la même façon.

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Conclusion

Et voilà! Vous avez maintenant fait cheminer vos dossiers alors que tous les acteurs impliqués ont accompli leur rôle respectif à distance. Vous avez ainsi participé à l’effort collectif visant à prévenir la propagation du coronavirus, et ce, sans nuire à la bonne marche de vos dossiers.

Plusieurs outils technologiques sont devenus incontournables dans le virage des dossiers vers le sans papier. En voici quelques-uns :

  • Adobe Acrobat Reader DC pour le traitement de fichiers PDF;
  • Skype ou Zoom pour les visioconférences, comme ils offrent la possibilité d’enregistrer les appels; et
  • Lexop ou Todoc pour le partage de fichiers volumineux ainsi que la notification d’actes de procédure.

Si vous choisissez une autre solution de transfert de données, renseignez-vous sur l’hébergement de vos données pour déterminer si les politiques du logiciel ou de l’application sont compatibles avec les exigences de confidentialité du processus disciplinaire.

L’équipe chez Sarrazin+Plourde possède une grande expertise dans l’utilisation des moyens technologiques autant dans les dossiers d’enquête que dans les procédures et les auditions devant les conseils de discipline. Nous serions heureux de vous épauler dans l’instauration de processus sans papier grâce à des outils technologiques simples et accessibles.