PARC-ÉCOLE : QUAND L’AMÉNAGEMENT A UN EFFET SUR LA SURVEILLANCE ET VICE VERSA
Dans l’objectif d’augmenter la quantité d’activités physiques des enfants, plusieurs mesures ont été mises en place au courant de la dernière décennie. D’ailleurs, en 2011, dans la région de l’Outaouais, la trousse Ma cour : un monde de plaisir! de Kino-Québec, visant entre autres à encourager les élèves à être physiquement actifs, a été présentée à l’ensemble des écoles intéressées. À ce moment, la trousse comportait différents volets dont : l’aménagement de la cour, l’organisation de périodes d’activités et l’animation de périodes de jeux. En 2015, la trousse en question a été bonifiée avec le volet Encadrement des élèves qui suggère au milieu scolaire de prendre un temps d’arrêt pour analyser ce qui se passe sur leur cour afin d’augmenter le sentiment de sécurité des élèves.
Les prochaines lignes vous présenteront à quel point la surveillance est importante, pourquoi nous devons en tenir compte lors des analyses visant à revoir l’aménagement des cours d’école et comment elle peut influencer le niveau d’activités physiques des élèves ou campeurs, dans le cadre d’un camp de jour.
LE SURVEILLANT
Le rôle du surveillant est crucial sur la cour. Si la surveillance est réalisée de façon active et proactive, elle permet d’offrir aux élèves des moments de complicité et d’amitié où le plaisir est sans aucun doute au rendez-vous! Si tel n’est pas le cas, on observera un milieu dysfonctionnel où les conflits seront nombreux, les enfants ne se sentiront pas en sécurité et où les problématiques vécues sur la cour se poursuivront en salle de classe. Parfois, malgré la vigilance des surveillants, l’aménagement de la cour et la configuration de l’école contribuent à augmenter les zones où la surveillance devient difficile. Il devient alors difficile d’agir de façon proactive et de prévenir les comportements indésirables. Il importe de garder en tête que le surveillant qui est sur la cour a la responsabilité des élèves sous son aile. Concrètement, cela signifie que si un accident survient sur la cour, il se doit d’expliquer ce qui s’est passé. Si le surveillant n’a rien vu, c’est plutôt difficile et même questionnable le cas échéant.
OBSERVER AVANT D’AMÉNAGER
On pourrait se demander pourquoi observer la cour avant de l’aménager, à quoi cela sert-il? L’observation permet de brosser un portrait de départ de la cour et ce portrait est d’autant plus pertinent lorsqu’il inclut une inspection des structures de jeux. Y a-t-il une présence de boue de façon continuelle sur le terrain, les tuteurs sont-ils dangereux en période hivernale, est-ce que les clôtures comportent des trous qui laissent passer les ballons, ou sont-elles simplement trop basses pour les jeux de ballons à proximité? Dans ces cas-là, le surveillant doit veiller à ce qu’un élève aille chercher le ballon. Il cesse donc les déplacements dans sa zone de surveillance. Cela peut paraître ridicule, mais à certains endroits, sur une durée de 15 minutes de récréation, il est possible de sortir de la cour pour récupérer un ballon de 6 à 7 fois.
Avec un portrait réel de la cour, en tenant compte de la particularité de chacune des cours et de ses utilisations (familles, camps de jour, fêtes de quartier, etc.) cela permet d’orienter le comité sur les décisions à prendre selon le budget disponible. Non seulement le travail réalisé dans la cour d’école a un effet bénéfique sur les élèves, mais également sur les familles et les camps de jour qui profiteront de ces infrastructures pour le bonheur des plus petits comme des plus grands!
AMÉNAGEMENT ET SURVEILLANCE Y A-T-ON PENSÉ?
Après plusieurs campagnes de financement, années de levées de fonds, voici le grand jour! L’excitation est à son comble! La somme astronomique pour revoir l’aménagement de la cour est enfin réunie. Tantôt, un comité composé d’employés de l’école, de parents, d’organismes communautaires, d’employés de la municipalité se réunis pour se partager les bonnes idées. Certaines écoles décident d’ajouter des éléments naturels dans leur cour, par exemple des roches, et les posent sur l’asphalte. Par la suite, les surveillants disent aux enfants de ne pas monter sur les roches. L’environnement physique offert est tellement stimulant! On pourrait alors se féliciter pour avoir augmenté le niveau d’activités physiques des enfants, mais dans la réalité, la surveillance la diminue par ses interventions : elle refuse que les enfants soient debout sur les roches car la surface du sol est asphaltée.
Dans cet exemple, il aurait été intéressant lors de l’analyse de l’endroit où installer les roches, de considérer comment les enfants les utiliseraient et s’assurer d’offrir un environnement sécuritaire qui permettrait aux enfants de jouer librement sans les interventions continuelles des surveillants. Du côté de la surveillance, c’est laborieux de devoir intervenir à chaque fois qu’un élève sera debout sur la roche, en plus de gérer tous les autres conflits de la cour. Si cette école avait ajouté du paillis sous ses roches, il aurait été sécuritaire de laisser les enfants jouer librement, en plus de limiter le nombre d’intervention des surveillants.
L’exemple de la roche a été noté lors de période d’observation. Dans le même genre, les structures pour recevoir les ballons-poires sont également installées sur l’asphalte. La beauté du jeu est de varier les utilisations du matériel pour rendre le jeu toujours plus amusant, et la réalité des adultes qui réfléchissent, proposent et décident des environnements des cours d’école est de permettre ce jeu dans un environnement sécuritaire. Par sécuritaire je ne veux pas dire par absence de risque. Le risque peut être présent, mais pas le danger. Une jeune fille pourra donc décider de faire de la gymnastique sur les ballons-poires en autant que la surface amortissante soit adéquate… et non asphaltée.
Grâce à l’observation, on comprend mieux les dynamiques d’une cour, ses défis, ses incohérences, son potentiel. C’est aussi un moment privilégié pour questionner les gens qui évoluent dans l’actuelle cour (corp enseignant, service de garde, T.E.S, enfants, parents). On note les intérêts des enfants, les irritants des surveillants, la cohérence ou l’incohérence concernant les comportements attendus sur la cour. Quand un individu ne provenant pas du milieu observe un nouvel environnement, il le fait sans attente, les yeux et les oreilles ouvertes, la bouche remplie de questionnements. Il peut tout remettre en question, mais il se doit de présenter des faits et non des jugements. Afin de faire rayonner une cour, il importe de l’aménager en respectant la particularité des dynamiques ainsi que les habitudes des individus qui l’habitent. Chaque cour est unique, il suffit d’exploiter ses forces et ses opportunités.
KARIMA DJELLOULI
Kinésiologue
Centre Intégré de Santé et Service Sociaux de l’Outaouais