Ordre des psychologues du Québec

COVID-19 : Communication du 4 mai 2020


Mise au point de l’Ordre des psychologues concernant certains concepts introduits par la crise pandémique et nouvelles consignes adressées aux psychologues

La crise sanitaire qui sévit depuis près de deux mois a eu des impacts considérables sur l’exercice de la profession de presque tous les psychologues, quel que soit leur champ de pratique. Plusieurs d’entre eux se sont adressés à l’Ordre depuis le début de la crise pour demander d’éclaircir ce qu’il était permis de faire ou de ne pas faire durant cette période de restrictions inédites. Après presque deux mois de mesures de confinement, l’Ordre croit que le moment est venu de faire le point sur certaines notions qui sont apparues au fil du déroulement de la crise pandémique et de signifier à ses membres les consignes de circonstance.


La notion de « commerce »

Depuis la conférence de presse du premier ministre François Legault le 28 avril dernier, au cours de laquelle le Gouvernement annonçait la réouverture progressive des activités économiques, dont celles des commerces de détail (le 4 mai pour les régions autres que la communauté métropolitaine de Montréal et le 11 mai pour cette dernière – maintenant repoussée au 18 mai), plusieurs psychologues ont interpellé l’Ordre en mentionnant que, selon eux, il fallait comprendre que le gouvernement permettait de facto la réouverture des cabinets de psychologues ayant pignon sur rue avec une entrée indépendante.

S’il est vrai qu’un cabinet de psychologue constitue un « commerce » au sens littéral du terme, il s’agit à notre avis d’une erreur que d’interpréter les déclarations gouvernementales comme signifiant l’ouverture complète des cabinets des psychologues. Dans sa déclaration, de même que dans le communiqué qui l’a suivie, le Gouvernement s’adressait aux commerces de détail, qu’on met en opposition aux commerces de gros dans une chaîne de distribution de produits, et non pas de services.

Qui plus est, c’est au paragraphe C de la section 1 de l’annexe au décret #223-2020 émis le 24 mars 2020 par le Gouvernement qu’il faut se référer pour interpréter la volonté des autorités publiques concernant les cabinets de professionnels, quelle que soit leur nature.

Conséquemment, il est erroné de croire que les annonces du Gouvernement concernant les commerces de détail s’appliquent aux cabinets de psychologues.


La notion d’urgence dans les services prioritaires reconnus par le décret #223-2020

Les nombreuses requêtes reçues la semaine dernière de la part de psychologues demandant que l’Ordre acquiesce à l’idée que leur cabinet soit considéré comme un commerce au sens de l’énoncé gouvernemental constituent un épiphénomène qui traduit l’impatience des psychologues de pouvoir œuvrer à leurs tâches autrement que par voie de télépratique, particulièrement lorsque cela est inadapté à leur pratique. Or, comme mentionné précédemment, c’est au décret 223-2020 qu’il faut se référer pour comprendre la position qui a été prise par l’Ordre et communiquée à ses membres le 17 avril dernier par voie d’Infolettre. Sans entrer dans des détails techniques, qu’il suffise de mentionner que ce décret est venu baliser ce qui constituait des services prioritaires. Or, les services psychologiques en font clairement partie. Toutefois, le même décret énonce également que les services professionnels prioritaires ne peuvent être dispensés que dans les cas d’urgence. Malheureusement, le libellé ne permet pas d'établir hors de tout doute si cette restriction ne vise que deux ordres en particulier ou l’ensemble des ordres professionnels.

À défaut d’un texte clair et limpide, l’Ordre des psychologues, comme l’ensemble des autres ordres à notre connaissance, a choisi d’adopter la position de prudence que commandait la situation au début du confinement décrété par le Gouvernement. En conséquence, l’Ordre a depuis ce temps soutenu que la télépratique devait être priorisée et que seuls les cas jugés urgents pouvaient être vus en personne. Au fil du temps cependant, il est apparu que, profitant de l’imprécision contenue au décret, tant des psychologues que d’autres professionnels régis par le Code des professions s’autorisaient à continuer de voir des clients en personne en ne se préoccupant pas d’évaluer la notion d’urgence ou en adoptant une position laxiste pour la définir, mais en prenant soin évidemment d’adopter les mesures sanitaires rendues nécessaires par la pandémie.

Au fil du temps également et à l’usage, il est apparu que plusieurs pratiques du large spectre de la psychologie sont difficilement conciliables avec la télépratique. En effet, s’il peut être parfois possible de poursuivre une pratique clinique par voie de téléconférence, les outils technologiques peuvent rapidement dévoiler leurs limites pour permettre d’autres types de pratique. Et cela sera davantage exacerbé au moment où on annonce la reprise des activités scolaires pour les étudiants du primaire, alors même que cette clientèle requerra, on peut le soupçonner, un surplus de services des psychologues compte tenu de la période de confinement qu’elle vient de subir.

Conséquemment, depuis le 16 avril dernier l’Ordre presse quasi quotidiennement les instances gouvernementales afin qu’elles précisent le texte du décret qui prête à confusion en ce qui a trait à la notion d’urgence. Malheureusement, nous n’avons pas pu obtenir de retour de la part des autorités gouvernementales à ce jour.

De surcroît, plusieurs psychologues ont écrit à l’Ordre pour témoigner de l’ensemble des mesures prophylactiques qu’ils sont prêts à mettre en place pour réactiver de façon pondérée et prudente leur pratique en cabinet, mesures qui à leur face même font honneur au sens des responsabilités des psychologues.

Eu égard à cette situation qui entrave le travail des psychologues dont la pratique a été mise à rude épreuve durant la pandémie, entraves qui ne servent pas adéquatement la communauté à une époque où elle a plus que jamais besoin des services dispensés par les psychologues, les consignes suivantes devraient permettre aux membres de l’Ordre de trouver un juste équilibre entre leur droit de pratique et une activité sécuritaire et prudente.


Consignes à l’adresse des psychologues en date du 4 mai 2020

  • Jusqu’à nouvel ordre, les psychologues doivent continuer de tout mettre en œuvre pour favoriser la télépratique;
  • Dans tous les cas où ils jugent la chose impossible et qu’une rencontre en personne est impérative pour offrir le service dont le client a besoin, les psychologues devraient se gouverner de la façon suivante :
    • Prendre toutes les mesures prophylactiques nécessaires et prescrites par les instances gouvernementales avant, pendant et après les rencontres;
    • S’assurer du volontariat du client ou de son tuteur à participer à une rencontre en personne en explicitant au client les raisons justifiant une telle rencontre et les risques qui y sont associés, de façon à s'acquitter de ses obligations en matière de consentement libre et éclairé;
    • Convenir que le client peut refuser une rencontre en personne et déterminer conjointement les alternatives qui s’offrent à lui pour assurer la continuité du service ou la reprise de celui-ci ultérieurement ;
    • Noter au dossier du client les motifs d'une rencontre en personne;
    • Lorsque la chose est possible, par exemple après que l’état d’un client fragile ait été stabilisé ou que la partie cruciale d’une évaluation ait été faite, favoriser la poursuite du suivi par voie de télépratique.

Aucun psychologue ne devrait se sentir obligé de rencontrer un client en face à face s'il ne le juge pas à propos. C’est votre jugement professionnel qui devrait toujours vous guider. Vous êtes la personne la plus apte à déterminer si la situation nécessite le face à face avec le client et si vous êtes confortable de le faire. Il va de soi qu’un psychologue présentant des symptômes de la COVID-19 devrait impérativement s’abstenir de toute pratique en cabinet, tout comme il doit se faire un point d’honneur de questionner le client qu’il souhaite rencontrer quant à la présence chez lui ou ses proches d’éventuels symptômes de la COVID-19

Nous croyons que ces consignes ont l’avantage de respecter l’esprit du décret émis le 24 mars dernier en ce qui a trait à la notion d’urgence, tout en contournant les imprécisions de la lettre dudit décret qu’il nous est, encore à ce jour, impossible d’éclaircir avec les autorités gouvernementales. De même, et toujours en lien avec l’incertitude ambiante avec laquelle nous devons composer, les psychologues doivent prendre acte du fait que ces consignes pourraient être appelées à changer en fonction des décrets ou informations ultérieurs émanant des autorités publiques. Néanmoins, nous espérons que l’ensemble de ces informations permettra aux psychologues de se guider durant cette période de grande turbulence ou chacun, tant les psychologues que l’Ordre, doit redéfinir les paradigmes usuels sur lesquels il pouvait jusqu’alors compter.

 
 

Depuis 2017, le Code des professions permet à l'Ordre d'utiliser votre adresse courriel pour vous envoyer des documents officiels. Vous avez l'obligation de maintenir cette information à jour dans votre dossier de membre.