Et si parlait de pauvreté, spécialement de dons

 À quelques semaines de la période festive de fin d'année, le RÉPAT souhaite vous proposer cette infolettre spéciale sur la pauvreté. Nous tenterons de faire un portrait statistique de la pauvreté en région et à l'internationale et de vous présenter le portrait  des quelques organismes qui œuvrent dans ce domaine. Et  puisque la   fin d'année s'accompagne toujours de campagnes de dons, nous nous posons la question : Doit-on faire des dons et si oui, à qui?  

Mesurer la pauvreté en Abitibi-Témiscamingue 

Il existe plusieurs façons de mesurer la pauvreté, voici quelques indicateurs.

L'indice  de grande vulnérabilité corrèle les données sur la faible littératie (capacité de lecture) avec les données sur le revenu et la mesure du panier de consommation. Dans la région, les trois villes sondées ont un indice de grande vulnérabilité qui varie entre 5,1% et 5,5%, ce qui représente environs: Rouyn-Noranda 2 200 à Rouyn, Val-d'Or 2 400 personne. La moyenne de l'ensemble du Québec est 6%.

Grosso modo selon Pierre Langlois: Si je suis sur le marché du travail, au salaire minimum, que je cumule différents emplois, cela ne me permet pas de vivre décemment, je suis sous la mesure du panier de consommation. Là, je n’ai pas l'oxygène ou la liberté financière nécessaire pour faire un temps d’arrêt, mettre mes compétences à niveau, m’embarquer dans un programme de formation professionnelle. Donc ce sont deux phénomènes qui vont s’alimenter, indique-t-il.

 

IDMS - Indice de défavorisation matérielle et sociale

C'est un indice utilisé principalement avec les petites collectivités  pour évaluer la défavorisation matérielle (commoditiés de la vie courante, revenu, éducation) et sociale (fragilité du réseau social de la personne, la famille et la communauté). Cet indice est intéressant pour comparer les différentes réalités sur le territoire de la région. En 2021, le plus haut taux de défavorisation matérielle se trouvait en Abitibi-Ouest avec un indice de 43,9% contre 22,4 % au Témiscamingue, 17,1% dans la Vallée-de-l'Or, 19,5% dans le secteur d'Amos et 11% à Rouyn-Noranda. Inversement, c'est à Rouyn-Noranda que l'on retrouve le plus haut taux de défavorisation sociale à 26,7% suivie par la Vallée-de-l'Or à 23,8%, puis le Témiscamingue à 18,5%, Abitibi-Ouest à 13,5% et le secteur d'Amos à 9,7%. 

 

Nombre de paniers de Noël - Aide alimentaire

Un article de Radio-Cananda nous informait qu'en 2019, qu'environ 3 200 familles recevaient de l'aide des paniers de Noël.  Aussi, on apprenait également que le recours à l'aide alimentaire avait augmenté de 20 à 25% à cause de l'inflation dans la région de Val-d'Or. . 

En attente d'un logement social,

 Les données fournies par la Société de l'habitation du Québec (SHQ) dans le cadre d'une demande d'accès à l'information nous apprennent que 352 ménages étaient en attente d'un hébergement à loyer modique (HLM) ou d’un supplément au loyer dans la région, en date du 31 décembre 2021. Toutefois, il est fort probable que ce chiffre ne représente qu'une partie du besoin, car cette liste doit être actualisée chaque année et plusieurs voyant la longue liste d'attente, omettent de s'inscrire. 

Prestataires des programmes d'assistances sociales en 2021 ( aide sociale + solidarité sociale)

Le nombre de prestataires d'assistance sociale  âgé-e-s 18-64 ans était de 3 793  (4,2%), ce qui inclus les gens qui reçoivent de l'aide sociale avec  contrainte à l'emploi  (660 personnes)) ou sans  contrainte  déclarée ou reconnue (1 062 personnes)  et les prestataires de la solidarité sociale . (CISSSAT 2021)

La pauvreté à l'Internationale

Selon l'ONU, 736 millions de personnes vivent sous le seuil international de pauvreté. Environ 10 pour cent de la population mondiale vit dans des conditions d’extrême pauvreté (moins de 2,50$ par jour)  et se bat pour satisfaire des besoins élémentaires tels que la santé, l’éducation,  l’accès à l’eau potable, la nourriture et à un système sanitaire.  Ce 10% sont des gens qui se battent pour leur vie quotidiennement. Le nombre de femmes vivant dans la pauvreté est supérieur à celui des hommes : 122 femmes âgées de 25 à 34 ans contre 100 hommes dans la même tranche d'âge, et plus de 160 millions d'enfants risquent de continuer à vivre dans l'extrême pauvreté d'ici à 2030. 2 régions plus touchées, l'Asie du sud et l'Afrique subsaharienne. Voir vidéo COVID 19, un amplificateur d'inégalité.

À qui appartient la responsabilité d'aider les pauvres: le gouvernement, la famille, la société ?

En raison de la montée de l'inflation,  de plus en plus de gens sont appelé-e-s à faire des choix difficiles: payer son loyer ou s'offrir des aliments de qualités à sa famille, aller chez le dentiste ou s'acheter ou des bottes d'hiver? Parallèlement, en temps que citoyen-ne, nous sommes sollicité-e-s de toute part à  donner: en faisant notre épicerie, par la poste, à la guignolée,  à l'entrée d'un commerce, lors des campagnes de financement d'organismes, et j'en passe. Pour certain-nes, ces sollicitations peuvent créer un véritable  malaise. Mais qui doit payer pour enrayer la pauvreté ?

Alors qu'on observe dans une société riche comme le Québec, des démonstrations imposantes de la richesse. Il existe aussi des écarts de richesses importants en matière d' habitation et  de transport notamment, on peut se questionner. Pourquoi certain-ne-s n'ont pas accès à la base, soit se loger, se nourrir, se vêtir, se guérir et avoir des loisirs.  

Par les impôts, les gouvernements se sont dotés d'un excellent moyen de répartition de la richesse. Celui-ci nous permet d'offrir un même niveau de services à  toute la population  et de soutenir davantage les populations dans le besoin. Pourtant pour certains se disant trop taxer, ils aimeraient que la population  choisisse et payes pour les services qui en ont de besoin. La difficulté dans un système capitalisme est l'écart de richesse entre une personne qui fait moins de 30 000 $ par année-personne tout autant essentiel  qu'un travailleur qui gagne plus de 100 000$, créant selon nous des inégalités pour lesquels le gouvernement est le mieux placé pour agir. 

Autrefois la charité chrétienne permettait d'aider  les personnes que l'on catégorisait comme les 'bons pauvres', ceux et celles aux moeurs chrétiennes. La Révolution tranquille a permis de se doter d'un filet social que l'on voulait accessible  et gratuit. Avec la montée du néolibéralisme, on tente de nous présenter la pauvreté comme étant en baisse selon des statistiques aux critères discutables. De plus en plus de gens subissent la pauvreté en raison des écarts de richesse grandissant. Aujourd'hui, le filet social public s'effrite alors que la philanthropie prend de plus en plus de place. À défaut d'investir dans notre système public afin qu'il réponde réellement aux besoins, on encourage sa prise en charge par le secteur privé à coups de crédits d'impôts. Après avoir causé autant de torts à la communauté, les entreprises privées ont le mandat de les réparer à leur guise et en se donnant une image charitable. 

Maintenant, qui devrait aider les personnes vulnérables? Puisqu'il s'agit d'une responsabilité collective, c'est le devoir du gouvernement. Bien que très appréciés et nécessaires pour éponger l'hémorragie, nos dons ne sont sans doute qu'un pansement sur une plaie qui ne peut guérir, faute des bons soins.

Comment donner pour avoir un maximum d'impact sur la pauvreté ?

 

La  meilleure façon, le don direct aux groupes

Si vous voulez être certain-e-s que votre don se rende, et ce sans contrainte, la solution est de donner directement à un organisme communautaire. Certains peuvent vous donner un reçu d'impôt, d'autres non. Ils sont nombreux en Abitibi-Témiscamingue à oeuvrer dans différents champs: aide alimentaire, logement, aide aux victimes de violence, aide pour les personnes vivant  avec un handicap, personne avec une maladie grave, voir bottin des ressources communautaires.

Dons en argent à la caisse

Cette méthode, sollicitée ou non par la personne à la caisse permet de récolter beaucoup d'argent et aux commerçants de redorer leur image. Selon un article publié par Radio-Canada, ni le client ni le détaillant ne jouissent davantage fiscal. Pour les organismes de bienfaisance choisis, c'est un des moyens les moins coûteux de recueillir des fonds. Attention toutefois à qui vous donner, car comme c'est le cas avec les fondations privées,  plus il y a d'intermédiaires, moins la somme initiale se rend à la population en raison des frais de gestion.  Par exemple, si on donne à Fondation des sans-abri qui en redonnent à un organisme de la région, la somme risque d'être amoindrie. 

Dons à des organisations philanthropiques qui redonnent

Très présentes, ces organisations permettent de recueillir beaucoup de dons auprès des individus et des entreprises à coup de grandes campagnes médiatiques. En donnant à ces organisations, les donateurs reçoivent un reçu d'impôts qui peut couvrir environ 50% du coût. Toutefois, en donnant à ces organisations, il faut savoir que l'argent que l'on donne est soumis à des frais des frais de gestions, l'organisation doit faire une demande et remplir des critères propres à la vision de l'organisation philanthropique. Ainsi, c'est la fondation qui décide quels projet ou organisme mérite votre don. Source image: Le devoir 

Guignolée - don de fin d'année

En cette fin d'année, vous serez sans doute sollicité-e-s pour donner à la guignolée  pour faire un don en argent ou en denrée. Pour ceux-celles n'ayant pas été rejoint-e-s, vous pouvez faire votre don en ligne  ou directement donner dans un six comptoirs alimentaires: La Sarre-Maison St-André, L'accueil d'Amos, Regroupement  d'entraide sociale de Ville-Marie, La ressourcerie Bernad Hamel , centre de bénévolat de Val-d'Or. Mais rappelez-vous, il n'y a pas qu'à Noël que les gens peinent à se nourir, mais toute l'année.

Pourquoi se préoccuper aussi du sort des personnes vulnérables à l’international? 

Parce que c’est avant tout une question de justice fondamentale. C’est-à-dire que le niveau de vie dont nous bénéficions en occident est en grande partie lié à l’exploitation des ressources naturelles des pays et des travailleurs des pays du Sud. Cette exploitation se fait malheureusement au détriment de l’environnement et des droits fondamentaux des travailleurs des pays du Sud. D’autant plus que les maladies, la pollution et les changements climatiques eux, ne reconnaissent pas nos frontières. Ce que nous tolérons d’inacceptable ailleurs finit par se répercuter ici (délocalisations d’entreprises, concurrence à bas prix de produits étranger, etc.)

C’est aussi une question d’interconnexions. On ne peut pas parler de ce qui ne va pas ailleurs sans parler de notre implication dans le système. On l’a vu avec la pandémie et la guerre entre la Russie et l’Ukraine, tout est interrelié. Ce qui se passe à des milliers de kilomètres peut influencer ce qui se passe ici (ex : prix de l’essence, pénuries de certains produits). Pareillement, des décisions prises ici ont des impacts ailleurs dans le monde (ex : commerce équitable, etc.). Aider les autres, c’est en quelque sorte aussi s’aider soi-même.

Comment agir ???

  On peut tout d’abord changer les choses localement en aidant des communautés précises comme le fait le CSI Corcovado par des projets de développement. Les impacts à long terme sont bien réels. À l’échelle mondiale, grâce à l’effort combiné d’organismes et de gouvernements, le taux de pauvreté extrême est passé de 34% en 1988 à 9% de la population mondiale en 2018.  On peut appuyer le travail des organismes qui aident les autres de plusieurs façons: dons, bénévolat, participer à leurs activités, les faire connaître.

On peut aussi agir globalement, parce que qui dit interrelation, dit relation à double sens. Si on ne peut pas agir sur l’autre bout de la relation (ex: faire changer les lois dans d’autres pays), on peut agir sur notre bout à nous. Le commerce équitable est un bel exemple de succès en ce sens, parce qu’acheter, c’est voter avec notre argent. Nos choix de consommation ont un impact qui aide à redéfinir la relation qui nous unit aux autres pays. Le fait que plusieurs grandes entreprises commencent à modifier leurs façons de faire est un autre bon exemple (norme oeko-tex, fair wear, fair trade, etc.) même si c’est loin d’être parfait et que l’éco-blanchiment (greenwashing) est possible. S’informer et choisir, c’est la base de notre action.

D’ailleurs, dans le cadre des Journées québécoises de la solidarité internationale qui se déroulent en novembre, je vous invite à poser deux petits gestes gratuits et concrets :

- S’informer en assistant virtuellement au 5 à 8 engagé qui sera diffusée via la page Facebook du CSI Corcovado ce vendredi 25 novembre, de 17h à 20h.  . Vous pourrez y entendre Kalpona Akter, travailleuse du textile du Bangladesh et découvrir plusieurs artistes intéressants .

- Agir, en signant une pétition en appui à un projet de loi de la chambre des communes sur la diligence raisonnable des entreprises canadiennes en matière de droits humains et d’environnement. Cela les obligerait à s’assurer que l’environnement et les droits des travailleurs dans les autres pays sont respectés tout au long de leurs chaînes d’approvisionnement. Les entreprises canadiennes deviendraient de plus responsables devant les tribunaux canadiens des torts que leurs filiales peuvent causer à l’étranger, ce qui n’est pas le cas actuellement. Bref, une façon significative de redéfinir notre bout de la relation qui nous unit au reste du monde. Pour signer https://aqoci.qc.ca/petition/

Merci à Mélanie Halle pour ce texte

 Mélanie Halle Coordonnatrice en éducation à la citoyenneté mondiale