Décembre 2019 | No 3

Des offres patronales déconnectées de la réalité

Le processus de négociation est officiellement lancé. Le gouvernement a répondu à nos demandes syndicales. En fait il a plutôt décidé de les ignorer complètement, refusant de voir la crise qui sévit présentement dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Dans cet Info-négo, on fait le point sur les dépôts patronaux des 12 et 17 décembre 2019.

Un petit rappel de nos demandes salariales

Dépôt des offres intersectorielles – 12 décembre 2019 – Une véritable gifle

Le gouvernement québécois nageant dans les surplus (8,3 milliards l’an dernier et au minimum 4 milliards cette année), on s’attendait à ce que les offres déposées par le président du Conseil du trésor, Christian Dubé, soient à tout le moins égales aux prévisions de croissance de l’inflation de 2% par année. Il en fut tout autrement. Nous avons reçu des offres méprisantes, qui ne reconnaissent pas le travail essentiel des employé·e·s du réseau. En ce qui concerne les augmentations salariales, le gouvernement propose une hausse de 7% en 5 ans déclinée ainsi : 1,75% pour les deux premières années, 1,5% la troisième et 1% pour les deux dernières. Dans la réalité, toutes les prévisions d’indices de croissance sont supérieures, et de loin, à la proposition gouvernementale.

De plus, M. Dubé n’a démontré aucune volonté de rattraper le retard accumulé par 20 années d’augmentation salariale sous le niveau de l’inflation. Selon l’Institut de la statistique du Québec, l’écart salarial avec les autres salarié·e·s québécois·es est de 13,2%. Nos demandes de rattrapage de 4% par année (soit 12%, étalés sur 3 ans) sont très raisonnables dans ce contexte économique.

Et le gouvernement ne fait pas que refuser notre demande de rattrapage, ses offres ont en plus pour effet non seulement d’appauvrir et de diminuer le pouvoir d’achat du personnel professionnel et technique, mais aussi de creuser l’écart salarial avec les autres salarié·e·s de la société québécoise.

Comment peut-il croire qu’avec de telles offres le réseau sera plus attractif auprès d’une main-d’œuvre convoitée par le secteur privé et les autres paliers de gouvernement, qui proposent des conditions de travail beaucoup plus alléchantes? Cet aveuglement est consternant. 

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Des forums où le personnel professionnel et technique n’est pas invité

Dans son dépôt, le gouvernement demande de mettre en place trois forums où les syndicats seraient impliqués pour émettre des recommandations aux parties négociantes. Il s’agit de forums portant sur la santé globale, la réussite éducative et sur l’accessibilité aux soins pour la clientèle en hébergement de longue durée ou recevant des soins à domicile.

L’APTS, tout comme son alliée la FIQ, a été sidérée d’apprendre que le personnel qu’elle représente n’est pas inclus dans la répartition des sommes prévues pour le forum sur l’accessibilité aux soins pour la clientèle en hébergement de longue durée ou recevant des soins à domicile, alors que ses membres dispensent des soins et des services sociaux essentiels à une population vulnérable. Le budget serait spécifiquement réservé pour les préposé·e·s aux bénéficiaires et les auxiliaires familiaux·ales.

Il est également important de mentionner qu’il n’y a aucun budget rattaché aux travaux du forum sur la santé globale alors que la situation est hautement critique. Nous avons beaucoup de difficulté à voir comment il pourrait être possible de réduire les problèmes d’invalidité sans dépenser d’argent. Le forum sur la réussite éducative quant à lui semble être dédié au réseau de l’éducation.

La mise en place de ces forums est une approche dite «créative», selon les propres mots de Christian Dubé, mais tout cela repousse le début des négociations sur ces questions à la fin des travaux des forums, envisagée selon l’offre patronale au 30 avril 2020.

Pourquoi le président du Conseil du trésor ressent-il le besoin de consulter certains syndicats dans ces forums afin de connaître les besoins du réseau? Les ministres McCann, Carmant et Blais ne devraient-ils pas déjà connaître les problèmes, les solutions que nous proposons depuis plus d’un an, et être à même de savoir que ça prend des investissements majeurs? Tout cela ressemble à une immense perte de temps et d’argent.

Au lieu d’entreprendre les négociations sur les salaires, les règles visant les droits parentaux, le régime de retraite et les disparités régionales, le gouvernement veut mettre en place des forums. Nous connaissons tou·te·s déjà les problèmes, il est plus que temps d’agir concrètement.

Dépôt des offres sectorielles | 17 décembre | De pire en pire

Les offres du gouvernement en ce qui concerne les matières dites sectorielles, soit la très grande majorité de la convention collective, incluant les conditions d’exercice, sont tout aussi décevantes et méprisantes. Nous avons déposé une série de mesures précises à prendre pour améliorer les conditions de travail et favoriser l’attraction et la rétention de la main-d’œuvre dans le réseau. Le gouvernement s’est contenté de déposer des offres vagues et ambiguës, remplies d’intentions douteuses, qui retardent encore la mise en place de solutions pour régler la crise grave qui secoue le système public de santé et de services sociaux.

Nous souhaitons des mesures concrètes pour notamment réduire la surcharge de travail, améliorer les règles visant la formation, favoriser la conciliation famille-travail-études. Nous souhaitons également améliorer l’accès aux différentes primes clientèle existantes pour les adapter à la réalité de la catégorie 4 (CHSLD, soins-critiques, psychiatrie, etc.). Nous n’avons aucune réponse à nos demandes déposées le 30 octobre dernier puisque le gouvernement souhaite plutôt entreprendre une discussion préalable sur les quelques enjeux qu’il a identifiés.

Nous vivons une véritable crise dans le réseau. Elle est telle que récemment huit ordres professionnels* sont sortis publiquement, posant un geste sans précédent pour décrier eux aussi les conditions de travail et d’exercice de leurs membres, qui sont également les nôtres. Les chiffres ont de quoi faire frémir : 49% des membres songent à quitter leur emploi dans le réseau de la santé et des services sociaux et 25% pensent quitter leur profession. De plus, 57% trouvent que l’accessibilité aux services s’est détériorée depuis la réforme Barrette.

À eux seuls, les deux premiers chiffres devraient faire réagir le ministère de la Santé et des Services sociaux et le gouvernement du Québec. La société québécoise ne peut se permettre de subir une telle hécatombe. Le troisième est tout aussi grave, la réforme Barrette ayant entraîné une détérioration sans précédent du réseau. Comment M. Dubé a-t-il pu ignorer un tel cri du cœur?

Nous savons qu’il y a un sérieux coup de barre à donner pour améliorer vos conditions de travail, mais force est de constater que le gouvernement Legault est complètement déconnecté. Au lieu de prendre les moyens pour rendre le travail dans le milieu de la santé et des services sociaux plus attrayant rapidement, les offres du gouvernement manquent carrément la cible. Il n’y a rien dans le document présenté qui laisse entrevoir une bouffée d’oxygène ou une lueur d’espoir pour le personnel professionnel et technique, qui est au bout du rouleau.

Les nombreuses incohérences entre le discours public de M. Dubé et ce qu’on retrouve dans ses offres illustrent le fossé énorme qui sépare le gouvernement des propositions précises qui amélioreraient les conditions de travail et d’exercice du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux. Il y a pourtant urgence d’agir. Le gouvernement doit arrêter de procrastiner et embrayer sur la 5e vitesse. Plus il attend, plus le réseau se détériore, plus nos membres s’épuisent et le quittent.

Le message des 56 000 membres de l’APTS est quant à lui des plus limpides : travailler à se rendre malade, c’est terminé! Des salaires et des conditions de travail adéquates, rien de moins.

On se revoit en janvier pour la deuxième manche. Passez un excellent temps des Fêtes et profitez-en pour reprendre des forces. 2020 ne sera pas de tout repos.

* Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec (OPPQ), Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec, Ordre professionnel des criminologues du Québec, Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec, Ordre des conseillers et conseillères en orientation du Québec, Ordre professionnel des sexologues du Québec, Ordre des ergothérapeutes du Québec, Ordre des psychologues du Québec

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