INFOLETTRE - MARS 2018


« Aille, aille, aille, mes oreilles! »

Thomas a du mal à fonctionner à l’école. Il est sans cesse dérangé par les bruits qui l’entourent. Quand ce n’est pas un élève qui tousse, se lève ou échappe son crayon, ce sont des pas dans le corridor, le système de ventilation, les autres enfants qui jouent dehors, etc. Thomas a des «oreilles supersoniques» : il entend tout, il est dérangé par tous les sons de son environnement. En fait, son cerveau a du mal à filtrer les informations auditives et ce dernier se retrouve alors submergé par celles-ci. Il sursaute lorsqu’il y a un message à l’interphone, se réfugie parfois dans les toilettes pendant le dîner au service de garde, s’agite et bouscule les autres lors des rassemblements au gymnase. À la fin de la journée, il est littéralement épuisé. Il finit souvent par faire des crises de colère. Thomas a une hyperréactivité auditive. 

L’hyperréactivité auditive, qu’est-ce que c’est?

Le système auditif a 2 principales fonctions :

  1. de protection : pour identifier un danger potentiel («Oh oh!» vs «Ok!»).
  2. de discrimination : pour mieux comprendre, interpréter ce que l'on entend, c’est-à-dire le détail du «quoi» et du «où» (Aha!). 

Lorsqu’on parle d’hyperréactivité auditive, on réfère à une réaction exagérée de la personne à certains bruits et/ou environnements sonores qui sont typiquement considérés comme inoffensifs par les autres. Cela se traduit par un changement dans l’état d’éveil de la personne (allant du repli sur soi à un état de grande agitation/d’hyperactivité) et/ou une réponse émotionnelle forte (ex. : peur, fuite, combat).

Il ne s’agit pas d’une atteinte de l’oreille ou du système auditif en tant que tel, mais plutôt une mauvaise gestion que fait le cerveau de l’information qu’il reçoit : ce dernier filtre mal ou n’organise pas adéquatement l’information reçue.

Il existe une différence entre une plus grande sensibilité au bruit et une véritable défense auditive. Par exemple, si une ambulance passe dans la rue, sirènes allumées, l’enfant plus sensible se bouchera les oreilles, puis retournera à ses occupations une fois le bruit cessé. L’enfant hyperréactif bouchera ses oreilles, mais pourra également grimacer, chigner ou chercher le réconfort de l’adulte. Une fois l’ambulance au loin, il pourra mettre plusieurs minutes à se calmer, interrogera l’adulte pour savoir si une autre ambulance passera. C’est cette difficulté à se remettre du bruit aversif, avec un changement dans l’état d’éveil et émotionnel qui marque la différence.

Quels types de sons déclenchent typiquement des réactions aversives?

Tous les types de sons et d’environnements peuvent poser problème. Il importe de déterminer lesquels le sont pour l’enfant, et dans quel contexte. Il peut s’agir de :

  • Sons soudains, forts ou inattendus (séchoir à mains, alarme d’incendie, sirène de police);
  • Sons qui augmentent rapidement en intensité (ex. : éternuement, reniflement, ballon de fête qui éclate);
  • Basses fréquences (ex. : balayeuse, tondeuse, chasse d’eau des toilettes publiques, feux d’artifice, tonnerre);
  • Tons de voix stridents ou nasillards;
  • Sons irréguliers ou à caractère imprévisible (ex. : pleurs de bébé, bruits d’animaux);
  • Un environnement sonore complexe (écouter l’enseignant dans une classe bruyante ou son parent pendant que la télévision ou la radio sont allumées), ce qui peut également être signe d’une problématique de discrimination auditive.

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Quelles sont les manifestations au quotidien de l’hyperréactivité auditive?

  • Difficulté à prendre part à des activités de groupe où il peut y avoir des cris, des chants, des applaudissements (ex. : une fête d’enfants);
  • Se désorganiser dans une foule ou lorsqu’il y a beaucoup d’activités en classe, fonctionner moins bien dans le corridor ou à la récréation;
  • Difficulté à assister à un spectacle théâtral ou de musique, à une représentation cinématographique;
  • Difficulté à maintenir son attention quand il y a beaucoup de bruits de fond (ex : construction, enfants qui jouent, bébé qui pleure, radio ou télévision allumée);
  • Difficulté à s’endormir et/ou réveils fréquents durant la nuit (au moindre bruit);
  • Tendance à faire du bruit soi-même pour masquer les bruits ambiants;
  • Tendance à demander aux autres de se taire, à se boucher les oreilles pour les protéger du bruit;
  • Peurs intenses face à certains bruits;
  • Irritabilité lorsqu’il y a beaucoup de bruits autour;
  • Perception de sons que les autres n’entendent pas, ou bien avant qu’ils les entendent (ex. : avion dans le ciel, déshumidificateur, ventilation, arrivée d’une nouvelle personne).

Une exposition constante à des environnements sonores perçus comme menaçants ou stressants peut, à la longue, avoir un impact important sur le comportement de la personne, dont un besoin de contrôle et de routines.

L’hyperréactivité aux sons aigus est plus facile à détecter, car la réaction de l’enfant est plus évidente (réaction de peur, de retrait, de protection). L’hyperréactivité aux sons graves est plus subtile : elle crée une fatigue davantage qu’un état de détresse. Pourtant, ces sons graves, dont les vibrations, sont très présents dans notre environnement. Les impacts sur le fonctionnement de l’enfant sont ainsi importants.

De telles difficultés peuvent avoir un impact sur d’autres sphères du développement et nuire à l’autonomie et à la participation normale à la vie en société.

Comment intervenir?

Lorsque des difficultés d’hyperréactivité auditive sont soupçonnées chez l’enfant, l’ergothérapeute peut devenir une alliée pour bien cerner la problématique en évaluant le profil sensoriel de ce dernier à travers des questionnaires et des observations cliniques. Elle pourra ensuite mettre en place un plan d’intervention adapté aux besoins de l’enfant, lequel pourra passer tant par la réadaptation que par l’instauration de stratégies compensatoires et l’adaptation de son environnement. Ce qui permettra à l’enfant un plus grand confort et un meilleur fonctionnement dans ses différents milieux de vie (ex. : maison, école, garderie).

Que faut-il retenir?

L’hyperréactivité auditive est une problématique bien réelle qui peut affecter de façon significative le fonctionnement d’un enfant.

Elle peut incommoder l’enfant au point de causer d’importantes difficultés comportementales liées aux bruits qu’il entend et ne peut supporter. Il devient alors rapidement submergé par ce trop-plein d’informations.

Consultez si votre enfant :

  • Réagit fortement à des bruits qui vous paraissent anodins;
  • Évite les situations de groupes (fêtes d’amis, sorties, jeux de groupe) ou a tendance à s’isoler
  • Devient surexcité, irrité, paniqué ou hyperactif s’il y a beaucoup de bruits;
  • Se bouche fréquemment les oreilles pour les protéger du bruit;
  • Présente un état de stress lorsque certains sons sont présents.

À venir, des stratégies pour la maison, l’école et le CPE pour faciliter le quotidien des enfants aux prises avec une plus grande sensibilité aux bruits via nos « Ergotruc ».


À propos de l’auteure : Mariann St-Hilaire est ergothérapeute depuis 2002 et dédie sa pratique aux enfants depuis ses tout débuts. Elle fait partie de l’équipe du CREDE depuis 2005, le nouveau point de services du Groupe Ergo Ressources à Québec.

À propos de nous : Le Groupe Ergo Ressources est un regroupement de 11 cliniques présentes dans la grande région de Montréal et la Capitale nationale. Nous desservons les enfants depuis 20 ans maintenant.

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Références :

  • Comité d’information sur la santé mentale du Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO). (2011) Les troubles du traitement sensoriel chez les enfants et les adolescents Feuille de renseignements à l’intention des parents et des soignants. Ottawa, Ontario. 11 p.
  • Côté, S. (2016) Favoriser l’attention par des stratégies sensorielles. Montréal. Chenelière Éducation.
  • Frick, S.M. & Young, S.R.(2009) Listening With the Whole Body : Clinical Concepts ans Treatment Guidelines for Therapeutic Listening. Madison, WI. Vital Links.
  • Goddard, S. (2005) Reflexes, Learning and Behavior : a Window Into the Child’s Mind. Eugene, Oregon. Fern Ridge Press.
  • Stock, C. & Kranowitz, M.A. (2005) The Out-of-Sync Child : Recognizing and Coping with Sensory Processing Disorder. London, England. Pengouin Groupe.